Une mission extérieure pour régler la crise libanaise ?

Crises multiples et une situation chaotique – le Liban vit des heures difficiles. Pourtant, il reste l'espoir...

L'auteur Michel Barouky fait partie des grands observateurs de la situation au Liban. Foto: privée

(KL) – Michel Barouky fait partie des 14 millions de Libanais qui vivent à l’étranger. Profondément attaché à ses racines et au bien-être de son pays d’origine, il observe, sans parti pris, l’évolution des récents événements qui ont engendré, suite à différentes crises, un mal-être général dans la population libanaise. Interview.

Vous êtes Président d’honneur du réseau des Anciens Etudiants de l’Ecole Hôtelière de Lausanne et Président de l’Association Trait-d’Union Accor pour le Grand Est ; vous vous êtes intéressé à la santé et à la nutrition en écrivant deux livres sur ce sujet, faites-vous aussi de la politique ?

Michel Barouky : Non, je ne fais pas de politique, mais j’observe comme tout un chacun et je suis les différents événements. Je m’intéresse à la façon dont certains pays sont dirigés, le Liban en particulier.

La situation actuelle au Liban est presque incompréhensible pour la plupart des observateurs occidentaux. Dites-nous, qui détient aujourd’hui le pouvoir au Liban ?

MB : Tout le monde et personne ! Gouverner le Liban n’est pas du tout simple. Le pays compte 18 communautés religieuses et une vingtaine de partis politiques. Le pouvoir est réparti entre leurs représentants. Les désaccords sont monnaie courante. Les arrangements et les compromis sont très souvent basés sur les intérêts des uns et des autres et non pas sur l’intérêt général.

Alors, qui sont ces gens ?

MB : Ce sont les chefs de partis, les chefs de clans et des milices, dont certains sous influence étrangère, et qui se sont livrés batailles dans une guerre civile meurtrière pendant 15 ans, entre 1975 et 1990. Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui sont les ennemis d’hier, une sorte de « War lords ». Leurs milices sont toujours armées jusqu’aux dents, et tant que les armes ne sont pas déposées et centralisées au sein de l’armée régulière, il y a toujours le risque d’une nouvelle guerre civile à la moindre étincelle.

Plusieurs observateurs occidentaux ont critiqué les deux visites d’Emmanuel Macron à Beyrouth, estimant qu’il s’agit à la fois d’une ingérence inacceptable et aussi, de sa campagne électorale de 2022. Qu’en dites-vous ?

MB : Je ne suis pas de ceux-là. Bien au contraire. La grande majorité de la population libanaise salue le courage du Président Macron et lui est particulièrement reconnaissante. Il est le seul chef d’Etat à s’être rendu sur place, 48 heures seulement après la terrible explosion du 4 août, et il a pris à cœur les problèmes du Liban. Je voudrais souligner que la France et le Liban ont des liens privilégiés, historiques, culturels et affectifs depuis le 15e siècle. Deux tiers, au moins, des Libanais parlent le français. 80 écoles françaises sont présentes au Liban ainsi que plusieurs universités, hôpitaux, centres culturels… Pour de très nombreux Libanais, le Président Macron incarne l’espoir de sauver le Liban. J’espère qu’il y réussira, car la mission qu’il s’est imposée est très difficile.

Alors, que voyez-vous comme solution pour y arriver ?

MB : Aujourd’hui, le Liban est enfoncé dans de multiples crises, et il y a un risque d’implosion. L’Etat est en faillite, financièrement, politiquement et moralement. La crise sanitaire frappe de plein fouet une population meurtrie par des années de guerre et de crises interminables. Elle n’en peut plus. Le Liban ne pourra pas s’en sortir seul. La population n’a plus confiance dans toute l’équipe dirigeante, et le colmatage habituel n’est pas du tout la solution. La masse populaire, toutes tendances et toutes confessions confondues, s’est soulevée unanimement contre toute la classe politique actuellement au pouvoir. Il faut l’écouter.

Donc, des élections anticipées ?

MB : Ce serait une grave erreur dans l’état actuel des choses, et surtout dans le système actuel qu’il faut absolument réformer. Ces élections risqueraient de donner la victoire à l’ équipe même qui est aujourd’hui au pouvoir. C’est un non sens.

Il faudrait, à mon avis, une initiative internationale à travers l’ONU que la France, en accord avec le Liban, puisse diligenter, pour créer une commission composée d’experts internationaux et libanais, apolitiques et non corrompus, pour recréer le Liban de demain sur des bases saines. Une durée de 5 ans serait nécessaire pour mettre tout le système à plat et créer un nouveau Liban indépendant, libre, démocratique, laïc, neutre, multi-ethnique, multi-confessionnel et multi-culturel. Sur les 20 présidents de la République que le Liban a connus depuis 100 ans, un seul a réussi à maintenir l’harmonie et la prospérité de ce beau pays, c’était le Général Fouad Chéhab (1902-1973), président  de 1958 à 1964.

Cette ultime solution pour mon pays, le pays du Cèdre, est mon rêve ; mais entre le rêve et la réalité… !

Cet interview est le point de départ pour une nouvelle série sur Eurojournalist.eu. Michel Barouky expliquera l’histoire du Liban du 5e siècle jusqu’à nos jours – pour que nous puissions comprendre les problèmes auquel le Liban doit faire face aujourd’hui !

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