Une pétition et des questions

Une pétition relative aux supplétifs guinéens de l’armée portugaise, à l’époque de la colonisation, suscite quelques réflexions.

Les supplétifs de l’armée portugaise n’ont pas manqué en Afrique. Foto: A Marques Lopes / Wikimedia Commons / PD Portugal - URAA

(Jean-Marc Claus) – Lancée mi-septembre via le compte Facebook de « Nova Portugalidade », une pétition ambitionne l’obtention d’un passeport portugais pour les Guinéens qui se sont battus aux côtés de l’armée portugaise jusqu’à l’indépendance du pays. Comme ce fut le cas pour beaucoup de harkis, supplétifs de l’armée française durant la Guerre d’Algérie, ces hommes ont été abandonnés lors du retrait des forces portugaises et donc laissés à la vindicte du nouveau pouvoir.

Si certains ont réussi à se fondre dans la population ou à gagner un pays voisin, d’autres ont été sommairement exécutés ou alors incarcérés dans des camps de « rééducation ». Sans oublier leurs familles, bannies et/ou victimes de représailles. Les guerres ne font pas que des victimes militaires et, comme Curzio Malaparte intitulait à juste titre sa tragique pièce de théâtre, les femmes aussi ont perdu la guerre. Nous le constatons quotidiennement en Ukraine…

« Nova Portugalidade » estimant le nombre de lusophones dans le monde à 300 millions, ambitionne de les rassembler au motif qu’ils ne partagent pas seulement une langue, mais aussi « une terre et un peuple, une culture et un esprit, un passé et un avenir. » (sic). La pétition en ligne créée par les anciens combattants de Guinée et adressée au Président de l’Assemblée de la République, actuellement le socialiste Augusto Ernesto Santos Silva, souligne l’engagement de ces près de 20.000 soldats dans ce qui était pour eux, « un indéclinable devoir de citoyenneté » (sic) et le fait que contredisant les dispositions de l’accord d’Alger de 1974, le Portugal n’a été reconnaissant ni pour le service rendu ni pour le sang versé.

Pire que cela, toujours selon « Nova Portugalidade », par décret du 24 juin 1975, la nationalité portugaise a été retirée à tous ceux nés à l’étranger n’étant pas d’origine européenne ou de Goa. Aujourd’hui, il reste 6.000 survivants de ces 20.000 soldats et les 14.000 manquants ne sont pas tous morts de vieillesse au fond de leurs lits. Ce retrait de nationalité, promulguée par un simple décret, reste alors une tâche indélébile sur l’histoire et l’honneur du Portugal.

Si la démarche semble honorable et les arguments légitimes, le mouvement la soutenant, pose questions. Le terme de nouvelle portugalité allant bien au-delà de l’emploi d’une langue commune, c’est l’appartenance à une culture et l’implication dans une destinée commune qui est mise en avant. N’avons-nous pas alors affaire à une sorte d’internationalisme sélectif, reposant sur un passé colonialiste enjolivé et même parfois héroïsé ?

Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes lusophones réagissent, en demandant à juste titre un traitement identique pour les anciens supplétifs de l’armée portugaise en Angola et au Mozambique. Pourquoi cette pétition vise t-elle exclusivement la Guiné Portuguesa devenue Guinée-Bissau, alors que les précédemment cités font également partie des Pays Africains de Langue Officielle Portugaise (PALOP) ? D’où l’importance de savoir qui parle et d’où les initiateurs de cette pétition parlent-ils….

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste