Une politique du logement plus juste au Portugal

Le Gouvernement Costa III s’attaque aux problèmes du logement, quitte à déplaire aux possédants.

Les lois libérales sur le logement des gouvernements de Pedro Passos Coelho de 2011 à 2015, avaient provoqué plusieurs manifestations de locataires. Foto: Esquerda-net / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – La semaine dernière, alors qu’en France, un gouvernement de millionnaires à le botte des puissances d’argent, restait sourd au rejet de sa réforme des retraites par une très large majorité de ses concitoyens, au Portugal, le Gouvernement Costa III ne craignait pas de contrarier les spéculateurs, en répondant à un besoin touchant la majeure partie de la population du pays. Une fois de plus, quand la Péninsule Ibérique montre le chemin, le président français ne veut voir que la borne.

S’attaquer aux problèmes liés au logement, qui sont plurifactoriels au Portugal, n’est pas chose simple, mais António Costa ne pouvait plus rester sans agir sur le marché du logement laissé aux mains des spéculateurs, notamment par les gouvernements Passos Coelho de 2011 à 2015. Depuis 1985, époque du gouvernement socialiste de Mário Soares, l’État n’était pas intervenu sur la question cruciale du coût de la location. Désormais, les nouveaux loyers vont être plafonnés, évitant aux locataires de devoir quitter leurs logements quand leur pouvoir d’achat se réduit.

Une mesure qui, selon António Costa, permettra de trouver un point d’équilibre entre besoins essentiels de la population et poursuite du développement économique du pays. C’est dans cette même orientation qu’excepté en milieu rural, la création de nouveaux appartements à vocation touristique, va être stoppée, car si elle a contribué à revitaliser certaines villes, elle a largement provoqué l’envolée des prix du m². Ainsi, tous les contrats actuellement en cours des 108.523 logements touristiques enregistrés, seront-ils réexaminés en 2030, puis tous les cinq ans. En somme, le Gouvernement Costa III sonne le glas de de l’Airbnbsation du locatif.

Évidemment, se rejoignent pour critiquer vertement ce changement de politique, l’opposition de centre-droite (Partito Social Democrata – PSD) et l’association portugaise de l’hébergement local (Associação do Alojamento Local em Portugal – ALEP), cette dernière parle même de persécutions gouvernementales et, par la voix de son président Eduardo Miranda, réclame un traitement de faveur, car contribuant à plus de 40% de l’hébergement touristique sur le territoire. Le Gouvernement Costa espère, mesures incitatives à l’appui, faire passer une partie de ce parc immobilier du locatif touristique au locatif résidentiel. Ce qui a commencé à Lisbonne où dans certains quartiers, 60% du parc locatif sont dédiés au tourisme.

Mesure forte de cette nouvelle politique, les 723.215 logements vides recensés dans le pays par l’Instituto Nacional de Estatística, pourront être mis en sous-location pendant cinq ans par l’État, qui fera office d’intermédiaire facturant les locataires et payant les propriétaires. Les loyers seront plafonnés à 35% des revenus du ménage, et l’État prendra en charge les loyers impayés négociant alors avec les locataires, une solution au payement de leur dette, le recours à l‘expulsion restant l’ultime option.

Mesure phare de cette nouvelle politique, la fin des vistos de ouro (visas d’or) accordés depuis 2012 aux étrangers en contrepartie de l’achat d’un bien immobilier, et dont les investisseurs chinois ont très largement profité. Cette mesure était censée offrir un débouché au parc immobilier laissé vide suite à la crise de 2008. António Costa estimant que ce programme, dans le collimateur de Transparency International, a rempli sa fonction, annonce enfin sa clôture que le Parti Communiste Portugais (PCP) et le Bloc de Gauche (BE) demandaient depuis déjà longtemps.

S’appuyant sur sa majorité absolue à l’Assembleia da República (120 députés sur 230), à laquelle devraient logiquement s’associer les élu(e)s du PCP (6) et du BE (5), le Gouvernement Costa III va faire acter rapidement ces mesures, pour lesquelles il dégage un budget de 900 millions d’Euros. Soit l’équivalent des paris enregistrés légalement lors de la dernière coupe du Monde de Football, ou l’ensemble des sommes allouées au cabinets de conseil par les ministères français. Simple question d’échelle de valeurs et de sens des priorités…

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