Une visite qui s’annonce compliquée
Début juillet, Emmanuel Macron ira à Berlin. Mais cette visite ne déclenche pas d’enthousiasme outre-Rhin, car les points de convergence entre la France et l’Allemagne, il faut les chercher à la loupe…
(KL) – A Paris et Berlin, on aimerait appuyer sur la touche « Reset » en ce qui concerne les relations franco-allemandes qui, du moins au niveau de la politique nationale et européenne, battent de l’aile. C’est pour cette raison que le président français se rendra à Berlin début juillet pour, comme l’exprime la présidence allemande, « marquer le début d’un nouveau chapitre dans l’amitié qui unit les deux pays ». Ouvrir un nouveau chapitre dans les relations franco-allemandes serait une bonne idée, mais les médias allemands se posent la question si une telle relance sera possible avec le président français actuel.
L’actualité français est, bien entendu, suivie outre-Rhin. Depuis 2018, on voit tous les week-ends (hors confinements) la capitale et les grandes villes françaises brûler. On a suivi les mois de protestation contre la réforme des retraites et la façon dont ce président a ignoré et méprisé les Français et Françaises et les syndicats. Dans un pays où les syndicats sont réellement considérés comme des « partenaires sociaux », l’attitude du président a surpris et choqué. Les cavaliers seuls de Macron au niveau international ont fortement irrité la politique allemande, surtout sa sortie en Chine où il a déclaré que l’Europe n’allait pas réagir au cas où la Chine devrait attaquer Taïwan. Bref, Macron donne l’image d’un président qui ne contrôle plus du tout son propre pays et qui cherche le scoop sur la scène internationale, en mettant en péril les intérêts occidentaux. Dans un tel contexte, il sera difficile de relancer la machine.
Lors de la visite début juillet, Emmanuel Macron veut se rendre à Ludwigsburg, sans doute pour y tenter un « remake » du célèbre discours du Général de Gaulle à la jeunesse allemande en 1952. Espérons que Macron n’ait pas l’idée de vouloir imiter le Général de Gaulle. Soyons sérieux – n’est pas De Gaulle qui le veut… .
Mais il convient de distinguer entre le franco-allemand entre Paris et Berlin et le franco-allemand concret dans la région frontalière, donc, entre la Sarre et le Rhin Supérieur. Si au niveau de la « grande politique », le « moteur européen » s’est arrêté, au niveau local et régional, le franco-allemand fonctionne très bien. Donc là où les citoyens et citoyennes français et allemand se rencontrent réellement, où ils travaillent sur des projets communs, où les échanges dépassent la communication politique.
Le discours d’Olaf Scholz mardi au Parlement européen a donné la tonalité de cette rencontre berlinoise au mois de juillet. L’analyse de la situation en Europe faite d’une part par Emmanuel Macron et d’autre part par Olaf Scholz, ne pourrait pas être plus différente. Tandis que Macron rêve d’une « super-puissance Europe » (probablement et idéalement dirigée par lui-même), le chancelier allemand a une vue bien plus réaliste du poids européen sur l’échiquier international. Par conséquent, Scholz demande une approche plus transparente, plus respectueuse vis-à-vis du reste du monde, rappelant que la population européenne ne représente que 5% de la population mondiale. « Le monde du 21e siècle sera multimodal », a dit Scholz à Strasbourg, « et il l’est déjà ». Comprendre : ce n’est plus aux anciennes nations colonialistes de donner des leçons au reste du monde, mais l’Europe doit commencer à tenir compte du fait que d’autres pays et d’autres régions aient d’autres intérêts et une autre vision du monde.
De quoi parleront Emmanuel Macron et les dignitaires allemands lors de la visite présidentielle en Allemagne ? Il n’y a plus beaucoup de points de convergence entre Berlin et Paris et les mois de protestation en France, y compris la gestion lamentable et peu démocratique de cette crise, ont affecté la confiance en un président dont les « personality shows » à répétition se trouvent diamétralement opposés à la façon dont on mène la politique en Allemagne.
L’idée de relancer les relations franco-allemandes est une bonne idée. Mais cette relance sera difficile à opérer à Paris et Berlin. Il conviendrait de renforcer la coopération franco-allemande là où les populations la vivent concrètement, donc, le long des anciennes frontières où depuis des décennies, des gens hautement engagés travaillent sur ces relations dans le quotidien. Avec le Traité d’Aix-la-Chapelle, on dispose d’un instrument puissant permettant de réaliser des projets qui dépasseraient le cadre de la coopération classique. Berlin et Paris doivent faire davantage confiance aux collectivités régionales et locales qui elles, connaissent le mieux les possibilités et contraintes de la vie réelle.
En tout cas, ce ne sera pas en Allemagne que Macron pourra faire oublier ses échecs à répétition en France et sur la scène internationale.
Les mots ont un sens. Surtout lorsqu’ils émanent d’un journaliste réputé sérieux. Alors écrire que tous les week-ends (hors Covid) nous voyons « la capitale et les grandes villes françaises brûler » laisse songeur…