Vaut-il mieux faire grève ou manifester ?

Une question que des activistes balayeront d’un dédaigneux revers de main, sauf que tout le monde ne peut pas faire grève et/ou manifester, et tout le monde ne peut pas se mobiliser un jour de semaine.

De nombreux Français pourraient s'entendre sur cette proposition... Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Alors que les prochaine mobilisations contre la très macroniste « réforme » des retraites se dérouleront les 7 et 11 février, des grèves sont annoncées les 6, 7, 8 et 11 de ce mois. Certains médias mainstream mettent l’accent sur la « prise d’otage » des usagers des services concernés par les grévistes. D’autres pointent les écarts entre le nombre de grévistes inférieur le 31 janvier au 17 janvier, faisant ainsi passer au second plan l’accroissement considérable du nombre de manifestants. Une discussion bien futile que celle sur le nombre des manifestants…

D’où la question : « Vaut-il mieux faire grève ou manifester ? ». Interrogation que des activistes balayeront d’un dédaigneux revers de main, en répondant non sans humour et sans raisons : « Les deux, mon capitaine ! ». Sauf que tout le monde ne peut pas faire grève et/ou manifester, et tout le monde ne peut pas se mobiliser un jour de semaine. Ce que visiblement les organisations syndicales commencent à entendre de plus en plus clairement. Par ailleurs, au-delà de la prétendue « prise d’otage » des usagers, à propos d’enjeux très généralistes comme l’actuelle « réforme » des retraites, l’histoire des mouvements sociaux montre que la grève n’a de portée que si elle est massivement suivie.

Ainsi, la responsabilité des organisateurs de ces mouvement est-elle très lourde, car par le truchement des médias qui lui sont inféodés, le pouvoir les attend au tournant. Élément d’analyse que tout commentateur de l’actualité ne devrait jamais oublier. Faire grève, c’est provoquer des perturbations dans le fonctionnement du pays et non le bordéliser, n’en déplaise à l’actuel Ministre de l’Intérieur. L’Histoire, ne serait-ce que celle du XXe siècle, montre que sans les grèves, de nombreuses avancées sociales n’auraient jamais pu se réaliser, d’où la nécessité de parler de conquis sociaux plutôt que d’acquis sociaux.

Mais la grève générale, au demeurant très efficace pour faire céder un gouvernement, car elle coûte très cher tant au Kapital qu’à la crédibilité des gouvernants, ne se décrète pas. Elle ne se décrète pas, mais s’organise, et pour qu’elle puisse s’organiser, il faut une forte mobilisation, notamment dans la rue, afin de rendre visible le mécontentement de la population. Pour revenir à un concept très gramscien, l’hégémonie culturelle nécessaire pour prendre le pouvoir, s’obtient par la conquête de la société dite civile.

Or, actuellement, si la bataille de l’opinion est perdue par le Gouvernement Borne, rien ne permet d’affirmer que cela va perdurer. Les cabinets de consulting et les spin doctors de l’Élysée, grassement rémunérés par le contribuable, ne vont pas rester inactifs. Donc, pour donner encore et toujours plus d’ampleur au mouvement démarré le 17 janvier, soutenu le 31 par un nombre encore plus grand de manifestants, la mobilisation des Français et Françaises sera cruciale, avec comme objectif de leur faciliter plus la vie que de leur la compliquer.

Ce qui ne veut en aucun cas dire : « Pas de grève(s)s ! ». Mais cette arme est d’autant plus efficace, si elle s’emploie avec un certain discernement. Par contre, inciter les gens à descendre dans la rue, organiser des manifestations le week-end pour que celles et ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent faire grève et/ou manifester la semaine, permet de maintenir la pression sur un gouvernement jouant la montre et espérant l’essoufflement de la mobilisation.

Alors, la grève, et de préférence évidemment générale, oui et mille fois oui ! Mais pour qu’elle s’organise et devienne efficace, l’opinion publique doit non seulement être prête, mais surtout très largement mobilisée. Ce à quoi contribuent très largement les manifestations, quand le nombre de leurs participants augmente considérablement de l’une à l’autre, et qu’elles sont pensées pour que tout le monde puisse y participer le plus souvent possible.

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