Venise, la naufragée

La lagune vénitienne et ses îles vivent du tourisme. Elles en meurent aussi.

Est-ce que l'une des plus belles villes du monde s'étouffera à cause d'un tourisme dévastateur ? Foto: Toutes les photos de cet article © Marine Dumény

(Marine Dumény) – Venise la belle, son histoire, son patrimoine culturel, et ses célèbres canaux parcourus de gondoles. Après plus d’un an de sommeil, la Cité des Doges sort doucement de sa torpeur. Et renoue avec ceux qui font son économie : les touristes.

Un souffle ténu – Sur l’île, 65% des habitants vivent du tourisme. Une mono-économie qui a durement fait face à la crise sanitaire. Les premiers touristes réempruntent désormais doucement les ponts de la ville, tests PCR en poche. Cependant, loin du système français en matière de préservation du patrimoine culturel, les Musées de Venise ont dû ajuster leurs entrées pour pallier l’année écoulée. Une augmentation de tarifs qui fait réfléchir les plus petits portefeuilles à la porte. En cause, la gestion privée devenue majoritaire suite aux réductions successives des financements du Ministère des Biens et des Activités culturels. La restauration s’adapte à la hausse sur les produits, alors que l’hôtellerie sort le drapeau blanc pour contrebalancer. Et attirer ainsi les précieux touristes.

Reprise en légèreté – Si le test PCR et la liasse de documents nécessaires pour entrer en Italie depuis un pays de la zone B ne semblent pas importuner plus que cela les premiers touristes, leur nombre reste moindre. Tant et si bien que même les pickpockets ont pris des vacances pour ce début de saison ! Il est en effet moins aisé de faire les poches discrètement quand le flux de la cité est clairsemé. De quoi reposer les carabinieri et la police, qui se contentent de rappeler au hasard des rues que le port du masque reste obligatoire, et de veiller scrupuleusement au respect des écarts entre les tables sur les terrasses. oznorTO_vivi

Au-delà des apparences – Une activité toutefois reportée au lendemain du 5 juin. Ce jour-là, les forces de l’ordre italiennes se préparaient non loin de la place Saint-Marc à intervenir. En cause, une manifestation contre la présence d’un gigantesque paquebot de croisière. Parqué au Port Maritime de Venise, dans un emplacement non adapté, le navire a remonté à 16h le Grand Canal pour accéder à la Lagune. Guidé par un bateau-pilote, et sous l’escorte de la sécurité du Port et de la police, il a vu sur son chemin s’agiter les drapeaux « No Grandi Navi » des militants venus s’agglutiner sur les quais. Leurs revendications restent les mêmes qu’en 2014, lors de la première venue du géant des mers : il faut le bannir de la ville (une mesure par ailleurs promise à l’époque par le gouvernement qui devait appliquer un décret de 2012 à ce propos et creuser un chenal adapté).  Drapeau petit La raison évoquée par les militants est assez explicite. Le paquebot drague le sable et ce faisant, fragilise les fondations de la ville, dont celles de la célèbre place Saint-Marc. S’y ajoute le problème écologique, et la consommation fort différente des passagers d’une croisière en comparaison de celle d’un touriste lambda. Les petits commerçants n’y trouvent pas leur compte. Les moyens ne sont en effet pas les mêmes. Un tourisme outrancier qui devient pourtant une pratique commune à Venise, où les plages du Lido de Venezia ne sont plus que deux à être encore accessibles gratuitement (il est d’ailleurs possible de lire à l’entrée d’une « No al mercantilismo spiagge »).

Il reste à espérer que la principale activité économique de Venise ne signe pas son propre naufrage, pourtant déjà difficilement endigué lors des crues.

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