Verra-t-on une fusion des Chambres de Commerce alsaciennes?

Il ne reste que peu de temps avant que la réforme des régions devienne une réalité. Et puisque plein de choses vont changer, tout le monde se prépare à son niveau.

Est-ce que la CCI de Strasbourg risque de "dominer" les autres CCIs alsaciennes en cas de fusion ? Foto: Jonathan M / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Dans le long – et souvent difficile- débat qui sous-tend la mise en place de la future «méga-région de l’Est» qui unira, à partir du premier Janvier les régions Alsace-Champagne/Ardenne et Lorraine, les Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) alsaciennes vont faire entendre un filet de voix apparemment discordant ! Discordant, du moins en attendant que, dans le futur, elles trouvent, d’ici au 1er Janvier 2017 -dit la loi- une forme de coopération, de mutualisation voire de rapprochement avec les Chambres de Commerce et d’Industries des deux autres régions impliquées dans le cadre de la réforme territoriale. C’est le mois prochain -le 29 Septembre- qu’une assemblée générale des CCI alsaciennes prendra une décision sur la fusion des chambres (Mulhouse, Colmar et Strasbourg) concernées.

Un premier vote d’orientation a déjà eu lieu (le 22 Juin) lors d’une réunion commune, à Colmar : 87% des élus présents appelés à s’exprimer ont répondu «oui» aux dispositions d’une charte provisoire. Ils ont dit «’oui à la fusion» après ce commentaire de Bruno Ameline, le patron du groupe (1.200 salariés) NSC-Schlumberger de Guebwilller, soulignant : «Nos élus politiques ont raté la fusion des collectivités (conseils départementaux du Haut- et du Bas-Rhin, Conseil Régional d’Alsace). Comment imaginer que nos Chambres de Commerce et d’Industrie rateraient, elles aussi, leur fusion !»

L’Alsace, véritable village d’Astérix ? – L’opération, dont Bernard Stirnweiss, le nouveau président de la CCI-Alsace, avait fixé le cap, paraît donc en bonne voie de réussite, même s’il convient d’attendre le vote décisif du 29 septembre pour l’affirmer. Car il y a eu, au fil des derniers mois, quelques tirs de barrage venus de la CCI de Mulhouse dont nombre d’élus ont affirmé leurs réticences à une fusion qu’ils considèrent comme une sorte d’absorption par la CCI de Strasbourg, Alors qu’au moment du projet de fusion des collectivités et de l’échec du référendum sur cette fusion(1) les réticences venaient majoritairement de la région de Colmar, les réserves viennent, cette fois de Mulhouse. Alors que la ville de Mulhouse et celle de Strasbourg ont mis en place, en février 2012, le premier «pôle urbain» créé en France ! Evoquant la fusion et le fait que les chambres de commerce possèdent et gèrent des biens et des installations dont le sort et la propriété doivent être définis, on a même utilisé le terme de «spoliation» à Mulhouse !

Décidément, le village d’Astérix ne devrait pas être situé en Bretagne, mais bel et bien en Alsace, tant les Alsaciens ont un don particulier pour la division ! Marcel Rudloff, ancien sénateur-maire de Strasbourg, Président du Conseil Régional d’Alsace et membre du Conseil Constitutionnel avait bien analysé(2) le phénomène dans ses mémoires : «Contrairement à une idée reçue, l’Alsace n’a jamais existé : l’Alsace a été le pays de la démocratie urbaine et citadine… Il y a avait dans cette région, historiquement, beaucoup plus de ferments de différence qu’il n’y avait de ferments d’unité…. L’Alsace s’est forgée par la base dans une diversité jalouse et parfois tatillonne… Malgré cela nous avons trouvé une unité ferme vers l’extérieur, une solidarité qui s’exerce.»

Strasbourg : «oui», Paris : «non» ! – «Strasbourg», poursuit Marcel Rudloff, «n’a jamais été contestée comme capitale de la région. On lui reconnait, du fait notamment de sa place par rapport aux institutions européennes, un rôle particulier. Tout le monde admet que Strasbourg est la grande ville de l’Alsace… Ce que souhaitent les Alsaciens, c’est que la ville ne soit pas trop forte, qu’elle attire trop de monde pour devenir le Paris de l’Alsace… Les Alsaciens refusent d’envisager que Strasbourg grandisse trop… Il subsiste, peut-être dans le subconscient régional, une pincée historique d’un Strasbourg impérial et un peu dominateur. Cela impose aux Strasbourgeois de se faire mieux accepter, de s’ouvrir davantage aux autres…»

Conscients de la chose (l’échec du referendum sur la fusion a passé par là !), les promoteurs de la charte provisoire, fondatrice de la future «CCI-Alsace Eurometropole», ont adopté un système «fédéral» pour la fusion, avec -application du principe de subsidiarité- des délégations correspondant aux anciennes chambres de commerce et d’industrie dont les présidents deviendront automatiquement vice-présidents de la nouvelle structure. Les décisions seront prises à des majorités qualifiées et les décisions concernant les équipements (comme les ports par exemple) seront prises localement et les rentrées dégagées par d’éventuelles cessions (y compris immobilières) seront réinvestis localement. Les mutualisations envisagées (exemple, un directeur général au lieu d’un responsable par CCI plus le directeur général de la «Chambre Régionale») seront source d’économies. La nouvelle structure compte dégager davantage de moyens (y compris humains) pour aider et conseiller les chefs d’entreprise.

Un projet cohérent, une structure forte ! – Elle élaborera un projet économique pour l’Alsace, sera un partenaire uni et fort face à la nouvelle «méga-région de l’Est». L’objectif sera aussi -et le nom retenu pour la future chambre est évocateur à cet égard- de constituer un ensemble économique, constitué de chefs d’entreprises, qui soit cohérent, susceptible de peser sur la poursuite des liens tissés avec les chambres de commerce et d’industrie du Rhin Supérieur et avec des métropoles comme Stuttgart ou Bâle. Il s’agira encore de conforter le poids de la représentation de l’Alsace économique dans le cadre de la future «région de l’est» qui aura des compétences dans le domaine de l’économie. Il s’agira enfin de structurer un partenaire économique crédible face à «Strasbourg-Eurometropole».

Sans oublier pour autant ce qui aura été un accélérateur du projet de fusion : réussir à faire des économies substantielles après que l’Etat ait procédé à … une ponction de près de 40% sur les ressources des chambres de commerce et d’industrie. En inaugurant le 4 Septembre la «83ème Foire Européenne de Strasbourg», Emmanuel Macron, le Ministre de l’Economie et des Finances, aura l’occasion de s’en expliquer : peut-être apportera-t-il, aussi, des arguments supplémentaires à l’appui des votants de l’assemblée du 29 Septembre qui décidera de la fusion des «CCI d’Alsace».

(1) Le 7 Avril 2013, 57% des Alsaciens, consultés par referendum, ont approuvé la fusion des conseils généraux du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et du Conseil Régional. Mais pour devenir effective, la consultation aurait du bénéficier de la participation de 25% des électeurs au lieu des 23% qui se sont déplacés pour voter. Si la fusion avait été avalisée, il est probable que l’idée de la «méga-région de l’Est» n’aurait pas été lancée !

(2) «Souvenirs pour demain», par Marcel Rudloff, éditions de la Nuée Bleue (1996).

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