Vers une zone euro renforcée ?

Un rapport parlementaire donne l'orientation pour une nouvelle approche de la zone euro qui du coup, pourrait devenir un instrument de prospérité et de progrès partagé.

Sylvain Waserman a expliqué les plans pour la zone euro lors d'une conférence à l'Ecole de Management (EM) à Strasbourg. Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Même si les « gilets jaunes » monopolisent l’attention, la politique et le travail des parlementaires ne se sont pas arrêtés pour autant. Ainsi, le député et vice-président de l’Assemblée Nationale strasbourgeois Sylvain Waserman a présenté ce rapport qu’il vient de rédiger avec le député Christophe Naegelen (DVD). Ce sujet qui risque de passer inaperçu à cause d’une actualité brûlante dans tous les sens du terme, est pourtant d’une importance majeure – la zone euro risque de devenir à la fois le modèle d’une Union Européenne modernisée et fédérale, mais elle comporte aussi le risque d’éloigner les Etats membres qui n’ont pas adopté l’euro (République tchèque, Pologne, Danemark, Suède, Bulgarie, Croatie, Roumanie et Hongrie) encore un peu plus de l’UE. Sans parler des Britanniques avec leur livre sterling.

Selon la volonté française, la zone euro devrait devenir un instrument capable de mettre un terme à une situation paralysante. « Dans la zone euro, il y a une volonté de convergence, mais on se heurte à une réalité divergente ». Pour transformer cette zone euro comme acteur fort pour la politique dans les états ayant adopté l’euro, le gouvernement misera sur la volonté franco-allemande de progresser dans ce dossier. Toutefois, la France et l’Allemagne ne partagent pas exactement la même vue sur le devenir de la zone euro – tandis que la France voudrait créer une sorte de « l’Union dans l’Union » en y mettant les moyens, les Allemands sont beaucoup plus réticents, malgré les récentes déclarations d’Angela Merkel qui avait signalisé un accord de principe, sans toutefois s’aventurer sur les questions concrètes. Il est vrai que si la France et l’Allemagne devaient avancer ensemble sur ce dossier, il y a de fortes chances que les autres pays suivent.

Mais quid des Etats membre de l’Union qui n’ont pas l’euro ? Ces pays-là devront choisir s’ils souhaitent la puissance économique de la zone euro qui elle, se traduira par des avantages économiques concrets, comme l’accès aux crédit à des taux moindres, des possibilités de mieux gérer la balance entre importations et exportations, la possibilité d’intervenir de manière ciblée pour soutenir les marchés de l’emploi dans les pays de la zone euro. Donc, ils auront le choix soit d’ adhérer à l’euro, soit de rester en dehors et de se passer de ces avantages. Considérant que 3 des 4 Etats de Visegrad fassent partie des états concernés (seule la Slovaquie a adhéré à l’euro), cette évolution pourrait effectivement éloigner les états de Visegrad de l’Europe. Est-ce que ceci serait une catastrophe ? Non.

Selon le rapport, un budget assez conséquent devrait permettre à la zone euro d’intervenir de manière ciblée pour soutenir le marché de l’emploi dans les Etats membres. Pourquoi le marché de l’emploi ? Pour soutenir les relations économiques entre ses Etats membres, suivant le vieux credo jamais démenti que la baisse du chômage ravive la conjoncture et favorise donc la croissance qui elle, assure que le chômage baisse encore davantage.

Cette approche serait donc l’extension de l’espace économique commun que la France et l’Allemagne entendent créer entre les deux pays. Et les objectifs sont ambitieux : la zone euro serait chargée d’élaborer un Code des Affaires européen harmonisant les 19 législations actuellement en vigueur dans les 19 pays de la zone euro, en matière commerciale, des faillites, des procédures, du droit du travail, des droits des salariés.

Pour faire le premier pas vers la pratique et pour donner envie aux autres pays de rejoindre cette initiative, le rapport suggère que ce soit le « Parlement Franco-Allemand » (qui sera mis en œuvre dans le cadre du nouveau traité « Elysée 2 » dont on attend la signature au mois de janvier 2019) qui serait « l’instance facilitatrice de l’unification des droits des affaires allemand et français).

Le « Fonds de stabilisation pour l’emploi » serait, dans la perspective française, une sorte de « Mécanisme de stabilité (ESM) bis », avec toutefois une différence de taille. Pendant que l’ESM visait le soutien du système bancaire, le « FSE » soutiendrait des programme du marché de l’emploi visant à réduire le chômage dans les pays où il serait activé. L’idée est bonne, surtout dans une situation où il conviendrait de mener une politique dans l’intérêt des peuples et non pas dans celui des banques, mais il s’agit là d’un point qui est considéré de manière très différente par la France et par l’Allemagne. Même si l’Allemagne aurait tout intérêt à soutenir la conjoncture dans les pays partenaires pour pouvoir exporter vers ces pays, politiquement, cette approche sera difficile à « vendre » au Bundestag.

Pour faciliter l’adhésion à ce principe d’une zone euro actrice de la politique européenne, le rapport propose de financer un budget initial par la taxation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ce qui est une bonne idée, à moins que l’actualité française n’oblige le gouvernement français d’utiliser les rentrées fiscales des GAFA pour financer les programmes sociaux qu’il doit mettre en œuvre à très court terme.

A long terme, le rapport suggère également la création d’un commissariat européen pour gérer cette zone euro qui devrait assurer un dialogue direct avec les parlements de la zone euro. Et ce commissariat devra sans doute aussi gérer les dossiers des états-membre de l’Union Européenne qui n’ont pas adopté l’euro – car le renforcement de la zone euro ne doit pas signifier un affaiblissement de l’Union elle-même.

S’unir et chercher l’intégration au sein de l’Union Européenne est une nécessité, mais il reste des doutes à deux niveaux : est-ce que l’Allemagne soutient réellement cette approche ou est-ce que Angela Merkel, déjà en route vers sa pré-retraite) avait simplement envie d’être polie avec Emmanuel Macron, lui faisant une promesse un peu vague, sans trop s’engager ni elle, ni le gouvernement allemand ? Il semble clair que seule une forte coalition des intérêts français et allemands pourra convaincre et entraîner les 17 autres états de la zone euro – mais même une approche vraiment partagée entre la France et l’Allemagne semble difficile à obtenir.

Le vrai débat autour de cette perspective d’une zone euro politiquement et économiquement renforcée, ne commencera qu’en début d’année, après la signature du Traite d’Elysée 2 au mois de janvier. D’ici là, de nombreuses choses vont encore se passer…

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