Virus touristique et amendes amères

La reprise de foyers infectieux de Covid-19 en Espagne n'est pas le seul fait des populations locales.

Contrairement au temps du confinement, les forces de l'ordre espagnoles ne distribuent plus gracieusement des masques, mais des amendes substantielles à ceux qui n'en portent pas. Foto: Hoy Extramadura / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – En ces temps de pandémie de Covid-19, le maintien, l’annulation ou la réduction des manifestations festives traditionnelles ne sont pas sans poser des problèmes aux autorités espagnoles. L’annulation des Sanfermines, se déroulant habituellement du 6 au 14 juillet à Pampelune et connues du monde entier, n’empêche pas certains de célébrer des non-fêtes dans la rue et d’autres d’organiser des rassemblements dans des lieux privés. Les uns comme les autres respectant plus ou moins les consignes sanitaires de la « Nueva Normalidad ».

Ce qui s’est déroulé au Pays Basque ne constitue pas une exception, et de nombreux foyers infectieux réapparaissent sur le continent, comme le montre la carte accessible sur le site d’El Mundo, mais aussi aux Canaries et aux Baléares. Dans les stations balnéaires, les populations locales sont plus à la merci des comportements irresponsables des certains touristes que du manque de civisme de leurs concitoyens. Comme l’a montré l’émission « España Directo »  sur la RTVE, le port du masque sur les plages pour les déplacements, globalement accepté et suivi par les Espagnol(e)s, n’est pas à mettre sur le seul le compte de la menace d’une verbalisation se montant tout de même à 100€. Pour assurer le respect des distances physiques, certaines municipalités ont installé sur les accès aux plages des portiques comptabilisant entrées-sorties et fournissent des kits comprenant mètre, gel hydroalcoolique et ruban de délimitation.

Le manque de respect des consignes sanitaires s’observe surtout chez les touristes qui, comme à Majorque, organisent des rassemblements illégaux au cours desquels l’alcool consommé n’est pas sous forme de gel. Après la maire minorquoise de Ciutadella qui envisageait d’engager des poursuites contre 200 fêtards, c’est le Conseil Insulaire de Majorque qui a pris la décision d’infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 600.000€ et jusqu’à trois ans de fermeture pour les établissements ne respectant pas les normes sanitaires.

On a notamment pu observer à Majorque le comportement irresponsable de touristes allemands et anglais qui a conduit à la fermeture de tous les établissements se trouvant le long de la tristement célèbre « Rue de la Bière et du Jambon » habituellement fréquentés par les fêtards et ce, pour une durée de deux mois, donc quasiment toute la saison touristique estivale. Ce manque de respect n’est pas particulier aux stations balnéaires. La rave party qui s’est tenue début juillet à Cavia en Castille-et-León, région sans bords de mer, et qui a rassemblé 200 vacanciers essentiellement anglais, illustre parfaitement le comportement abject de certains néo-colonialistes des loisirs.

Dans les années soixante-dix du siècle dernier, une campagne de communication incitait les Français à bien se comporter à l’étranger. « Vous êtes les ambassadeurs de la France », disait le gouvernement de l’époque aux amateurs de séjours au-delà des frontières hexagonales. Qu’en est-il aujourd’hui – et pas que pour les Français ?

Les Européens qui se rendent en Espagne pour les vacances y entrent-ils comme dans un parc d’attraction où tout serait permis du moment qu’ils payent, ou ont-ils conscience qu’ils mettent le pied dans un vrai pays habité par de vrais gens qui se mettent en quatre pour les accueillir ? Savent-ils que, selon de récents sondages, les Espagnols sont plus anti-corrida que les Français et que ce divertissement abject est interdit dans certaines communautés autonomes ? Ont-ils entendu parler des langues régionales (basque, catalan, galicien, et aranais) coexistant légalement avec le catalan, langue maternelle des trois quarts de la population ? Ne parlons pas du « silbo » de La Gomera ou du « fala » de Xálima !

Ce ne sont là que quelques minimes exemples, en regard de l’incommensurable inculture de ces néo-colonialistes des loisirs, qui considèrent très probablement que l’Espagne faisant partie des PIGS, s’y comporter comme un porc procède d’une implacable logique, pour ne pas dire d’une évidence naturelle.

Ceux qui se rendent en Espagne pour y faire ce qu’il ne s’autorisent pas chez eux méritent, à plus forte raison en ces temps de pandémie, de figurer au Livre Guinness des records de l’imbécillité avec à la clé une sanction financière significative qui leur rappellerait que l’argent n’autorise pas tout.

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