Vladimir Bannonski : l’Europe en sandwich

L’Europe en tenaille entre Russie et droite américaine

Croisade pour l'Occident Foto: Own work /Wikimédia Commons/ CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Le financement russe dont profitent tous les grands partis d’extrême-droite trouve son versant symétrique dans les aides plus ou moins discrètes que fournit Steve Bannon, l’ancien conseiller de Trump, aux dits partis. Qui plus est, Bannon aimerait beaucoup s’entendre avec les Russes. Un adversaire qu’il croit commun : la Chine. Un objectif commun : l’Europe.

Avec sa robustesse de croisé (il est d’ailleurs issu d’une famille catholique…), Bannon s’attaque avec un bel enthousiasme à sa tâche, qui est de reconvertir l’ensemble de l’Europe aux anciens parapets « judéo-chrétiens ». Il investit pour ce faire les grands partis nationaux-populistes et d’extrême-droite.

On connaît les grandes lignes de son aventure de Siegfried des hickories. Devenu ultra-conservateur au début des années 1980, admirateur un peu plus tard de Charles Maurras ( et de ce micro-Maurras qu’est Jean Raspail, qui fustigeait la migration des bronzés), il admire aussi Ronald Reagan. Et comme lui, il se lance dans le cinéma. Un peu plus tard, devenu une personnalité importante du journal Breitbart News, l’ organe de l’ « alt-Right » et du Tea Party (la droite alternative libertarienne, antisémite, raciste et tout), son patron le surnommera « le Leni Riefenstahl du Tea Party » ! Comme c’est bien trouvé…

Devenu conseiller de Donald Trump après sa victoire aux présidentielles, il est débarqué en avril 2017. Début 2018, la publication du livre The Fire and the Fury, de Michael Wolff, est sans doute la goutte d’eau qui fait déborder le vase : Bannon y accuse Donald Trump Jr, le fils du Président, d’avoir rencontré une avocate russe pour obtenir des informations savoureuses sur Hillary Clinton.

L’engagement de Bannon en Europe date du printemps 2018. Il s’achète un ancien monastère dans le Nord de l’Italie et développe une fondation sise à Bruxelles pour essayer d’unir nationalistes et extrême-droitistes de toute l’Europe. La tâche est plus lourde qu’on pourrait le penser : les intérêts sont parfois divergents, l’idéologie de ces groupes ne se recouvre pas nécessairement de façon précise. Il en est de l’insistance naïve de Bannon sur le protectionnisme : il n’est pas de l’intérêt de la Pologne ou de la Hongrie, bien au contraire ! Et par souci de respectabilité et de garder ouvert le champ des alliances, les partis au pouvoir préfèrent s’allier entre eux que de nouer des relations plus intimes avec le RN français ou l’AfD allemand.

Dans ce tableau médiéval où le croisé occit, d’estoc et de taille, Maures et trop-cuits, la Russie joue le rôle d’allié ; et l’Europe est l’objectif commun. Poutine, dans l’esprit de Bannon-Siegfried, est le garant énergique de l’avenir de l’Occident. L’ennemi, c’est la Chine. Il y a problème, évidemment : Chine et Russie ouvrent entre eux des partenariats de plus en plus nombreux – au moins sur le plan commercial. Pour ce qui est des Russes, l’ancien conseiller de Trump fait mine d’ignorer que tous leurs dirigeants sont issus du régime « communiste », ce qui est tout de même fâcheux. Mais il réaffirme que l’amitié russo-américaine devrait permettre d’isoler la Chine, ce méchant pays resté, lui, « communiste », totalitaire et vraiment trop jaune. Il est vrai qu’actuellement, les sondages indiquent que 30 % au moins des Républicains américains sont favorables à Poutine…

En Europe, voilà donc Marine Le Pen, notamment, prise en tenailles entre ses sollicitations des roubles russes et son appétit pour les dollars bannoniens. Dès 2014 d’ailleurs, le croisé américain a fait alliance avec Nigel Farage et l’a puissamment aidé à forcer ce maudit Brexit. En mars 2018, il est invité au Congrès du FN et prédit un grand avenir à… Marion Maréchal, « Jeanne d’Arc du mouvement ». Steve Bannon finance-t-il le RN ? A cette question, Marine Le Pen répond avec grande ingénuité (normal, dans la famille de Jeanne d’Arc), le 20 avril 2018 : « Nous lui avons demandé s’il connaissait une banque européenne. Lui non plus n’a pas trouvé ». Ah, rogntudju, c’est fâcheux.

Pour l’instant donc, le croisé Bannon n’a réussi à vaincre que son épouse, en 1996, quand il lui a cassé un bras et qu’il l’a empêchée par la force de témoigner devant le Tribunal. En tout cas, le but lourdement proclamé et réitéré par Stephen K. Bannon, c’est de saper les bases des institutions européennes, grâce à la constitution d’un grand groupe d’extrême-droite. En passant : saper les bases de l’Europe démocratique, ce pourrait être pour Bannon poser les bases de son propre empire dans sa spécialité professionnelle depuis les années 1990, c’est-à-dire l’audiovisuel.

A surveiller très attentivement, tout cela… Ce qui peut nous faire garder espoir, c’est entre autres la division des partis nationalistes et para-fascistes, comme on l’a dit plus haut. Mais l’Europe aura fort à faire, dans les prochaines décennies, pour ne pas se faire engloutir dans le requin russo-américain.

 

 

 

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