Vladimir Poutine à Vienne

Le nouveau Tsar s'est promené à Vienne ce 5 juin 2018.

Sebastian Kurz et Vladimir Poutine Foto: Press-sloujba Prdta Rossii / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0

(MC) – La presse française n’en parle que bien peu. Et pourtant, point n’est besoin de réfléchir longtemps pour voir l’importance de l’enjeu. L’Autriche peut devenir un allié de plus en plus précieux pour la Russie de Poutine, et donc, un solide soutien de Moscou auprès des institutions européennes.

A Vienne, Poutine est reçu par le chancelier de 31 ans, Sebastian Kurz, du parti ÖVP (catho conservateur) allié au parti d’extrême-droite, le FPÖ. Kurz, alias Wunderwuzzi, et les caciques de son parti apprécient beaucoup Poutine. Comme l’ensemble des hommes de la droite ultra européenne, qui se rêvent en dictateurs vertueux dans un pays silencieux. Le gouvernement autrichien veut «normaliser» les relations avec la Russie, et même, intensifier ces relations

Elu en octobre 2017, Sebastian Kurz est le plus jeune chef d’État d’Europe. Wunderwuzzi a fait une carrière fulgurante ; il est devenu ministre des Affaires étrangères à 27 ans, en 2014. Il gouverne avec le soutien du parti coalisé, le FPÖ, ce parti d’extrême-droite naguère rendu illustre par la figure gominée et pittoresque de Jörg Haider. Les élections de 2017 manifestent d’ailleurs une très courte défaite du vénérable parti social-démocrate, le SPÖ, qui a bien géré les difficultés économiques durant la dernière décennie. L’Autriche est un pays prospère, avec un taux de chômage plutôt faible (5%) et une société moins éclatée qu’ailleurs. Alors ?

En réalité, les deux partis de la droite au pouvoir exploitent les mêmes peurs que leurs petits camarades d’Europe centrale : celles des migrants, et celle d’un amenuisement de la « grandeur nationale » à cause de sa prétendue inféodation à Bruxelles.

L’enjeu d’une coopération avec la Russie, s’il est intensément idéologique, est aussi économique. En effet, si l’Autriche a constamment désapprouvé les sanctions que l’UE a décidées après l’annexion de la Crimée, c’est d’abord parce que la Russie représente l’un des principaux débouchés de la production autrichienne. L’Autriche, à cause de ces sanctions, a perdu 2,1 milliards de revenus d’exportation sur 3 années. Et Moscou est un partenaire important dans les domaines du secteur bancaire (eh oui….) et de la construction. Vienne ne s’est donc pas sentie obligée de refuser avec indignation l’annexion russe de toute une partie du territoire ukrainien…

Pas de sanctions, donc. Pas d’expulsion de diplomates non plus après l’affaire Skripal, ce diplomate russe ayant absorbé du radjaïdja en Angleterre, au contraire de 14 pays de l’UE. Le gouvernement de coalition droite et extrême-droite dispose pour cela d’un beau prétexte : celui de la neutralité du pays.

Il faut rappeler en effet que l’Autriche n’adhère pas à l’OTAN et est contrainte par un traité du 26 octobre 1955 à la neutralité, après 10 ans d’occupation du pays par les forces alliées – y compris par l’ Armée rouge, très concrètement présente à Vienne durant dix années… Sebastian Kurz et ses alliés du FPÖ expriment ainsi fort adroitement leur désir de faire de l’Autriche «un pont entre les nations». Il n’est pas inutile non plus d‘évoquer le rôle ardent joué par les Autrichiens dans le désarmement nucléaire, ces dernières décennies. Ils se sont ainsi affrontés directement aux dirigeants français qui y voyaient un crime de lèse-dissuasion…

Et, last but not least, Vienne veut devenir un centre nodal pour l’importation du gaz russe : il existe depuis 2014 un partenariat du groupe autrichien ÖMV avec Gazprom. Le projet South stream devait fonctionner malgré un véritable bras de fer avec l’UE indignée alors par l’annexion de la Crimée. En effet, le gazoduc South stream, par suite de la crise ukrainienne, eût pu faire transiter le gaz russe vers le sud de l’UE en passant par les Balkans, l’Italie et l’Autriche. Avantage, selon Poutine : «diversifier l’approvisionnement énergétique de l’UE». Le groupe autrichien ÖMV a promptement signé un contrat avec Gazprom, et l’Autriche en a été sans doute le plus fervent partisan. Mais le projet a capoté à cause du refus de la Bulgarie, suite à des pressions de l’UE, de faire passer le gazoduc sur son territoire.

On peut voir dans ce Projet, qui date de 4 ans, le signe évident d’une attitude préférentielle de Vienne à l’égard de Moscou, qui ne fait que s’accentuer depuis que la droite conservatrice et l’extrême-droite sont arrivées au pouvoir.

Un signe qui n’est pas fait pour rassurer les partisans de la démocratie…

 

 

 

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