Vladimir Poutine – nous n’avons pas su l’écouter

Le cessez-le-feu tient plus ou moins en Ukraine, en attendant les prochains incidents. Pourtant, depuis 20 ans, le président russe affiche clairement ses intentions.

Tout le Donbass ressemble aujourd'hui à Slovansk. Il ne faut pas oublier qui a porté la guerre dans cette région. Foto: NEWS UTR / Youtube - CC-BY / Wikimedia Commons / CC-BY 3,0

(KL) – En 1994, Vladimir Poutine, alors maire adjoint de la ville de Saint Petersburg et quasiment inconnu sur le plan international, annonçait lors d’une conférence en Allemagne vouloir «corriger» les erreurs de Gorbatchev et Cie. Il leur reprochait alors d’avoir cédé des territoires qui, historiquement, aurait toujours fait partie de la Russie. Aussi inquiétantes que les positions de Poutine (qu’il défend publiquement depuis 1994) sont celles de son chef de l’état-major Gerassimov prononcées en Janvier 2013 devant l’Académie Militaire russe. Il avait alors expliqué que la physionomie de la guerre avait changé, qu’elle quittait désormais les schémas habituels et que les frontières entre un état de guerre et la paix deviendront floues. C’est exactement ce qui s’est passé en Crimée et dans le Donbass.

«De nos jours», disait Gerassimov, «nous assistons à des guerres qui n’ont rien à voir avec les guerres dans le passé. Aujourd’hui, on ne déclare plus la guerre, mais on peut transformer des régions prospères en zones sinistrées en un tour de main.» Comme aujourd’hui en Ukraine. Selon Moscou, les soldats russes qui combattent en Ukraine, sont soit «en permission», soit «se sont égarés». Si ce n’était pas si tragique, on aurait envie d’en rire.

Par contre, et là aussi, Gerassimov avait raison, la guerre passe par une désinformation ciblée, par la propagande, elle se gagne à l’intérieur des pays, par ceux qui arrivent à fédérer leur population derrière eux. Comme c’est le cas de Vladimir Poutine.

Il est toutefois surprenant de constater qu’une bonne partie des intellectuels occidentaux tombent dans le piège de la propagande tendu par Poutine. Comment peut-on lui accorder un crédit moral en estimant qu’il souhaite vraiment apaiser la situation en Ukraine ? Il a annexé la Crimée en violant le droit international, ses troupes ont déclenché la guerre dans le Donbass, et il a toujours dit ce qu’il voulait faire.

«Depuis les erreurs commises par Gorbatchev, la Russie a du céder des terrains où vivent 35 millions de personnes de souche russe, sans protection. Il convient de venir à leur secours», avait déclaré Poutine, non pas hier, mais déjà en 1994. A l’époque, il avait cité plusieurs anciennes républiques de l’ancienne URSS, montrant ainsi que son objectif est de recomposer ce territoire, en ayant en plus l’impression de corriger une erreur historique, d’être parfaitement dans son droit.

Sur l’annexion de la Crimée, on ne peut pas avoir de doute. Sur la présence de soldats russes en Ukraine, on ne peut pas avoir de doute. Sur la fourniture d’armes aux «séparatistes pro-russes» (qui sont, bien entendu, majoritairement des soldats russes réguliers), il ne peut pas y avoir de doute sérieux. Alors, pourquoi accorder encore le bénéfice du doute à celui qui a lancé sa guerre non-déclarée, fidèle à la théorie de Gerassimov ?

L’Union Européenne, elle, a décidé d’attendre avant d’appliquer les nouvelles sanctions. Tant que le cessez-le-feu tient, tant bien que mal, l’UE ne lance pas le prochain palier d’escalade. Mais est-ce que cette phase fragile changera les choses, ou est-ce que Poutine en profitera pour mieux organiser ses troupes en Ukraine ?

Ceux qui sont aujourd’hui surpris par l’action de Poutine sont ceux qui ne l’écoutent pas depuis 20 ans. Un peu comme au Troisième Reich. Personne ne pouvait sérieusement être surpris par la guerre des Nazis et pas non plus par la tentative hitlérienne d’exterminer le peuple juif. Il l’avait déjà annoncé dans «Mein Kampf» en 1927. Mais pendant 12 ans, le monde a préféré croire en sa propagande. Aujourd’hui, le monde tourne plus vite et il ne faudra pas attendre 12 ans avant d’être fixé sur les prochaines étapes de Poutine dans la reconquête de l’ex-URSS. Et personne ne devrait être surpris.

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