Von der Leyen à Bruxelles, AKK à Berlin et…

Angela Merkel en vacances ! Alain Howiller analyse le remaniement du gouvernement allemand.

AKK et UVDL - les femmes politiques allemandes ont des noms imprononçables... Foto: European People's Party / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Alain Howiller) – Difficile à croire : lors de sa conférence de presse d’avant congés, Angela Merkel, qui a fêté ses 65 ans ces jours-ci, a affirmé qu’elle n’interviendrait pas dans le choix de la personnalité qui devrait lui succéder à la chancellerie. Rassurante sur son état de santé, elle entend bien mener la coalition au pouvoir jusqu’en 2021, terme normal prévu par le contrat qui lie la CDU/CSU et le SPD dans la « Grande Coalition ». Si elle a affirmé qu’elle ne s’impliquerait pas dans le débat de sa succession, elle a tout de même montré le… bout de l’oreille de sa préférence en soulignant : « La règle n’est pas absolue, mais on peut – je l’ai fait pendant longtemps – cumuler le poste de chancelier(e) avec celui de président(e) de la CDU. Ce sera au groupe CDU/CSU de faire part de son choix, le moment venu !… »

Mais qui peut douter que l’experte en tactique qu’elle est, se soit ralliée par opportunisme à la candidature d’Ursula Von der Leyen proposée par Emmanuel Macron et… son allié de circonstance Viktor Orban qui militaient pour le choix de la ministre de la Défense allemande au poste de Présidente de la Commission Européenne. N’était-ce pas, pour le gouvernement de Berlin, l’occasion d’exfiltrer, par le haut, une ministre au bilan catastrophique et de procéder, dans la foulée, à un remaniement ministériel ?

Quand Altmaier sauve sa tête et Spahn sa… santé ! – Opération réussie pour ce qui est de la candidature de Von der Leyen à Bruxelles, même si la candidate a finalement été mal élue avec seulement 9 voix de plus que la majorité requise au Parlement de Strasbourg, un résultat décevant pour celle qui, bien que recadrée sur ces points par Angela Merkel, passe pour une « fédéraliste historique », partisane d’une armée européenne et favorable, de surcroît, au maintien du Parlement Européen à Strasbourg !

On s’attendait à voir Peter Altmaier, le Ministre de l’Economie, débarqué du gouvernement et Jens Spahn, l’actuel ministre de la Santé promu à la Défense. Mais Altmaier sauve sa tête et Spahn, pourtant déjà pressenti, reste à la Santé où « il fait un excellent travail », d’après la chancelière ! En fait, la nomination d’Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK) comme ministre de la Défense permet à la chancelière de donner un sérieux coup de pouce à la candidature d’AKK au futur poste de chancelière. Le retournement d’Angela Merkel s’est-il fait à la demande d’AKK qui, en prenant la présidence de la CDU, avait toujours affirmé qu’elle ne voulait pas être ministre pour pouvoir se consacrer pleinement à la reconstruction de son parti ?

Vous avez dit « coup de pouce » à AKK ? – Le coup de pouce conforte AKK dans ses ambitions. Il écarte un candidat à un poste qui aurait pu servir de rampe de lancement à un éventuel nouveau concurrent à la chancellerie. Il contribue à améliorer l’image d’une candidate peu appréciée dans les sondages et critiquée dans son propre camp ! Dans l’opposition, la promotion d’AKK soulève des sarcasmes parfois cruels : « La Bundeswehr ne méritait pas cela », lance le député SPD de Hambourg Johannes Kahrs. Quant à Alexander Graf von Lambsdorff, député FDP de Cologne, il condamne : « C’est un scandale pour les soldats et pour nos alliés de l’OTAN ! »

Car s’il paraît peu vraisemblable que la nouvelle ministre, faute de temps, voire de compétence, puisse redresser la situation laissée à la Défense, rares sont ceux qui doutent que la manœuvre engagée par Angela Merkel pourrait préparer la CDU/CSU à affronter les électeurs au cas où interviendrait une rupture anticipée de la « Groko ». Cette dernière est désormais minoritaire dans l’opinion, et selon un sondage EMNID paru dans « BILD », une coalition « Verts/SPD/Die LINKE » réunirait 48% des intentions de vote en cas d’élections au Bundestag ! Selon d’autres sondages, si 73% des Allemands affirment être satisfaits de la politique menée par Merkel, ils sont 71% à douter de la capacité d’AKK à exercer les fonctions de chancelière.

Une coalition « Verts/Rouge/Rouge » à l’Ouest. – Une coalition « Verts/SPD/Die Linke » est-elle concevable désormais ? Pour la première fois, une coalition de ce type a pu être conclue dans un « Land » de l’Ouest, à Brême. Le plafond de verre imposé dans les « Länder » de l’Ouest à « Die Linke », va-t-il être percé comme il l’a déjà été dans les Länder de l’Est de l’Allemagne ?

La question risque de se poser en cas de rupture de la « Groko » qui pourrait intervenir au vu des résultats des trois élections régionales (Saxe, Brandebourg, Thuringe) prévues en Septembre/Octobre. A moins qu’elle ne se pose au moment où, avant la fin de l’année comme le prévoit le contrat de coalition, les trois partenaires dresseront le bilan de leur cogestion. Pour Merkel, la question ne se posera pas avant la fin prévue de la « Groko » en 2021 ! On n’est pas obligé de la croire, alors qu’elle-même, rassurée sur sa santé (dit-elle), a pris des précautions !

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