« Vous ne nous manquerez pas… »

La salle du Conseil de Sécurité de l'ONU. Dans quelques jours, l'Allemagne ne la verra plus qu'à la télévision... Foto: Neptuul / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Dans le monde diplomatique, on n’a pas l’habitude de ce genre d’insulte. Après que l’Allemagne ait vivement critiqué que la Chine et la Russie bloquent le transport de marchandises et médicaments vers la Syrie, les représentants des deux pays ont reproché à l’Allemagne, un « comportement hypocrite ». Le représentant russe dans ce conseil, Dimitri Poljanski, s’est adressé au représentant allemand Christophe Heusgen en lui lançant : « Vous ne nous manquerez pas ! ». Et à Yao Shaojun, le représentant chinois, de surenchérir : « Le chemin de l’Allemagne vers un siège permanent sera compliqué »…

Cinq pays détiennent un siège permanent dans ce conseil – la Chine, Les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne et la Russie. Le conseil est complété par 10 autre pays qui sont élus pour un mandat de deux ans – mais seuls les pays disposant d’un siège permanent, peuvent émettre un véto. Considérant les intérêts différents des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine, pour ne citer que ces « super-puissances », il n’est pas surprenant de constater que le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est transformé en un « tigre sans dents » – c’est excessivement rare que ce conseil arrive à s’exprimer d’une seule voix.

En même temps, si les reproches faits par la Chine et la Russie à l’Allemagne manquent d’élégance diplomatique, ils ne sont pas tout à fait infondés. Malgré la situation de guerre et de guerre civile en Syrie, le gouvernement allemand vient de décider de reprendre dès l’année prochaine, les expulsions de Syriens auxquels on n’a pas accordé l’asile, vers leur pays. « Il y a des endroits en Syrie qui sont calmes », a justifié le gouvernement sa position, mais est-ce qu’on peut parler de « calme » dans un pays meurtri par cette guerre civile que mène Bashir Al-Assad contre son propre peuple ? Et quid des actes de guerre commis par la Russie, la Grande Bretagne, les Etats-Unis ? Réclamer de la solidarité aux autres pays, tout en renvoyant des réfugiés dans un pays en guerre, c’est effectivement hypocrite.

Si la quête allemande pour un siège permanent dans ce conseil semble fortement compromise, il convient aussi de se poser la question quant au sens même de cette mini-assemblée. N’ayant aucune influence sur les grands dossiers de notre époque, le Conseil de Sécurité s’est transformé en une sorte de tribunal où les grandes puissances se reprochent mutuellement leurs méfaits, sans que cela ne prête à conséquence.

Et pendant que les grandes nations se reprochent mutuellement des « comportements hypocrites », force est de constater que pour une fois, ils ont tous raison. L’hypocrisie est le maître-mot qui décrit le mieux ce Conseil de Sécurité, un peu comme la nomination d’un prince saoudien à la tête de la commission des Droits des Femmes à l’ONU. Peu à peu, l’ONU perd toute sa crédibilité. Et dans quelques jours, Christophe Heusgen, le représentant allemand dans ce Conseil de Sécurité, perdra son siège. Haut fonctionnaire, il trouvera sans doute un autre poste bien rémunéré…