Yvon Buchmann – conteur d’images
Chaque photo du photographe mulhousien Yvon Buchmann raconte une histoire. Son actuelle exposition « Un monde habité » au Musée des Beaux Arts à Mulhouse est une ode à la vie.
(KL) – La première chose qui frappe quand on rencontre Yvon Buchmann, c’est son regard. Un regard à la fois pétillant, bienveillant, en mouvement même pendant une discussion animée. Un regard de photographe. La vie se déroule devant ses yeux en format rectangulaire et il a ce talent exceptionnel de raconter, en une prise instantanée, une histoire, des histoires, la vie. Eurojournalist(e) a eu le privilège de le rencontrer.
Doisneau. Quand on regarde ses photos, en noir et blanc, on pense d’abord « Doisneau ». Mais la pensée « Doisneau » ne dure pas, car Yvon Buchmann ne fait pas des photos « Doisneau », mais des photos « Buchmann ». Assis dans un fauteuil roulant depuis un accident à l’âge de 19 ans, sa perspective sur la vie est lucide, philosophe et – tendre. « Je vois la vie en noir et blanc », dit-il, avec un sourire. Pourtant, la phrase qui, vers 2006, l’a ramené vers la photographie qu’il avait abandonné pendant de longues années, était plutôt sombre. Lors d’une sortie, il vit une affiche disant « Ma jeunesse s’enfuit, ma vie aussi. » Le déclic. Il photographiait cette affiche et – quelques semaines plus tard, cette photo remportait le 2e Prix lors d’un concours de photographie : Yvon Buchmann était relancé dans cet art qui le fascinait depuis sa plus jeunes enfance.
Le choix de raconter ses histoires imagées en noir et blanc constitue bien sûr un hommage à Doisneau, car en enlevant les couleurs, il ne reste que l’objet photographie, rien ne détourne le regard de ces scènes de vie qui, malgré une diversité surprenante des sujets, suivent un fil rouge. Un fil rouge fait de curiosité, d’ouverture, de son propre rôle à lui, celui du conteur de ce qu’est la vie.
Son intérêt se porte sur les marginaux qui vivent à proximité de la société, mais aussi sur les gens « normaux » qui, à bien regarder ses photos, ont aussi une histoire à raconter, celle de leur vie à eux. Un message humaniste flotte sur ces clichés : la vie a toujours la même valeur absolue, que ce soit au Sénégal, dans les friches bâloises ou sur la plage d’une station balnéaire.
Oui, il a répondu à notre question sur ses distinctions, oui, il est lauréat de nombreux prix nationaux et internationaux, et non, il n’en fait même pas un sujet de discussion. On parle société, voyages, politique, bonheur, vie et mort, ce mélange qu’il arrive à éterniser sur des images qui sont si parlantes. C’est ça qui l’intéresse.
« Ma jeunesse s’enfuit, ma vie aussi » – cette phrase-déclic qui lui a rendu l’envie de la photographie, est un peu le leitmotiv de son travail. Le lien inséparable entre la vie et la mort, on le retrouve dans ses photos. Sans doute, le handicap change la perception des deux, et on perçoit une douce acceptation des limites de cette vie, lorsque l’on regarde certaines de ces photos. Comme celle d’un couple âgé, immobile, pris de dos face au vent : cette photo dégage une paix, une tendresse et une force incroyables, même en nous rappelant que la vie de ces deux personnes ne durera plus très longtemps. On imagine facilement une vie commune de plusieurs décennies de ces deux personnes, les hauts et les bas d’une vie de famille, une proximité et tendresse infinie entre les deux qui voient une fin sereine s’approcher. « Ma jeunesse s’enfuit, ma vie aussi ». Quel talent de pouvoir raconter toute la vie de ces deux personnes en une seule photo !
Allez découvrir cette exposition au Musée des Beaux Art à Mulhouse, elle sera ouverte encore jusqu’au 22 septembre. Accompagnez ce photographe exceptionnel dans son univers, laissez-vous raconter ces histoires de vie, car oui, le monde est habité. Et quand on regarde de près, on ne peut que l’aimer, ce monde, tout comme le fait Yvon Buchmann, malgré ou peut-être même grâce à ses imperfections.
« Un monde habité »
Exposition photo d’Yves Buchmann
Jusqu’au 22 septembre 2019
Muséé des Beaux Arts Mulhouse
www.musees-mulhouse.fr/musee-des-beaux-arts/
Entrée libre
Remercions EUROJOURNALIST(E) d’appeler même les Mulhousiens à visiter sans tarder cette exposition d’accès gratuit : dans un charmant espace accueillant, au-dessus du parc Steinbach remodelé et de la statue toute neuve consacrée à Alfred Dreyfus, les salles du deuxième étage au Musée des Beaux-Arts de Mulhouse égrènent des images tantôt de compassion, tantôt d’humour, toujours de beauté. UN MONDE HABITé de misère et de merveilles, arpenté par le courage et le talent, se révèle flamboyant de transparence et d’espérance. N’hésitez pas : venez habiter à votre tour avant sa fermeture cette exceptionnelle exposition !