Zuckerberg au Parlement européen
Marc Zuckerberg au Parlement européen : la puissance publique entend les puissances du marché : un spectacle grandiose.
(MC) – Rien n’obligeait le dirigeant de Facebook, Mark Zuckerberg, à comparaître devant le Parlement européen et à subir cette sorte d’interrogatoire ; sa seule obligation légale de réponse, c’était devant le Congrès américain. La seule obligation de cette audience bruxelloise tenait au souci de l’opinion publique, des affaires, de l’apparence de respectabilité. Marc Zuckerberg était interrogé à propos de l’affaire Cambridge Analytica, cette affaire de siphonnage de données confidentielles à une échelle planétaire, par une entreprise que Zuckerberg avait recrutée, et le rôle mis en évidence dans la tentative d’influencer les votes lors de l’élection américaine qui a vu monter Donald Trump sur le trône suprême des Etats Unis.
Le dispositif était très discutable, et beaucoup de députés et de journalistes l’ont contesté de façon virulente . Avec raison ! Car les députés ont interrogé Zuckerberg durant 3/4 d’heure, et ont eu droit à 26 minutes et 46 secondes chrono de réponses. Le directeur de Facebook a répondu à toute allure, en cascade, aux questions qu’il avait daigné noter… Etrange, n’est-ce pas ?
Marc Zuckerberg n’ apporte d’ailleurs pas de réponses à toutes les questions posées. Son mode de réponse est invariable durant toute cette minuscule demi-heure : à la question du pourquoi, il répond par le comment ; à la question politique et morale, il réplique en expliquant comment fonctionne son arme, comment tel ressort fait partir la salve de son arme automatique. Des réponses de technicien à des questions qui ne sont techniques qu’au sens où le souci parfois aveugle d’efficacité s’articule avec l’intention finale, qui elle, demeure obscure.
Un sentiment très positif se dégage cependant de cette audition de l’un des hommes les plus influents de la planète. Le sentiment qu’on ne peut faire impunément à sa guise contre le droit privé, et moins encore… contre la souveraineté politique. Le rappel de ces évidences démocratiques toutes simples a été très explicite à Bruxelles, ce 21 mai. Le sentiment d’impunité des grandes entreprises inter- ou multinationales a été mis à mal, et avec lui, la résignation face aux puissances d’argent dans laquelle on peut à bon droit apercevoir l’une des sources les plus profondes du populisme – ce populisme qui sévit durement ces dernières années, en Europe – puisque cette résignation, d’extrême-gauche aussi bien que d’extrême-droite, voudrait qu’on ne puisse rien faire contre l’invasion de nos existences par les puissances d’argent. On peut faire quelque chose contre le vol des données privées de nos existences.
C’est en ce sens et pour cette raison qu’ une riposte concrète a été mise en vigueur après l’affaire Cambridge Analytica : c’est le RGPD (Règlement Général pour la Protection des Données) et il envahit quelque peu l’écran de notre ordinateur depuis le weekend dernier. Pour le meilleur, si du moins ce Réglement ne reste pas simplement formel.
En somme, on aimerait beaucoup voir très souvent, plus souvent, le plus souvent possible, les dirigeants fauteurs des grands scandales industriels et économiques venir s’expliquer devant le Parlement européen. De telles « comparutions » exercent un effet salutaire sur l’opinion publique et sur le sentiment de responsabilité des grands décideurs de nos économies.
Reste à mettre en place des procédures plus efficaces, où le choix des questions et des réponses n’incombe pas à l’»accusé », mais à ceux qui le convoquent devant leur docte assemblée. La démocratie réelle y gagnera.
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