Cannes 2025 – TWO PROSECUTORS de Sergei Loznitsa

Esther Heboyan a vu pour vous, le film TWO PROSECUTORS de Sergei Loznitsa, un film très politique qui fait partie de la compétition officielle. Une palme d'or potentielle ? On verra...

L'oppression du totalitarisme, un sujet plus actuel qu'on ne le souhaiterait... Foto: © SBS Productions / FDC2025

FDC logo klein(Cannes, Esther Heboyan) – Avec Two Prosecutors (Deux procureurs) en lice pour la Palme d’or, le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa présente une fiction adaptée d’un récit de Gueorgui Demidov, scientifique russe envoyé au Goulag. L’action du film se passe en 1937 en Union Soviétique, pendant la terreur exercée par Staline et la police secrète NKVD (qui deviendra le KGB en 1954). C’est dire que le film de Loznitsa nous plonge dans les affres du totalitarisme. Histoire glauque du fascisme qui terrorise, réprime, étouffe, brise, assassine ses citoyens au nom d’une organisation politique qui veut tout contrôler.

Des citoyens qui se croient loyaux et intègres, accomplissant ou ayant accompli des actes dans la ligne de cette organisation politique, se retrouvent accusés de crimes contre l’État, livrent des aveux sous la torture, sont condamnés aux travaux forcés et croupissent en prison. Le film débute avec l’ouverture d’un portail de prison et l’arrivée d’un groupe de vieux prisonniers éreintés. L’un d’eux est chargé de brûler les messages de réclamation rédigés par des détenus. Le jeune procureur Kornev (Alexandre Kouznetsov) a reçu un message écrite avec le sang d’un détenu politique, ce qui va le lancer sur une piste périlleuse entre Briansk et Moscou.

Pour Kornev, il s’agit de répondre à la doléance de Stepniak (Alexandre Filippenko), ce qui le mènera à sa propre perte. Une perte qui se laisse deviner dès le commencement et se confirme au cours de séquences de plus en plus oppressantes, en fait humiliantes pour le procureur idéaliste – dans les bureaux et couloirs de la prison, dans l’enceinte du bâtiment administratif à Moscou, à bord du train à l’aller et au retour. Two Prosecutors est bien une tragédie. Une tragédie au sens dramaturgique : on narre une histoire où les personnages sont soumis à des forces supérieures. Une tragédie aussi car elle a frappé l’Histoire d’un pays et de son peuple. On en connaît la fin dès le début ; c’est inscrit sur l’écran.

Le mérite de Sergei Loznitsa est de représenter un système inhumain qui déshumanise les individus. On songe à des œuvres dystopiques qu’on avait qualifiées d’anticipation : 1984 de George Orwell, Orange mécanique d’Anthony Burgess, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Loznitsa nous met à distance, méthodiquement, esthétiquement, et par conséquent, moralement, intellectuellement, politiquement. On peut parier qu’en sortant de la salle de projection à Cannes, personne n’aura eu envie de faire partie de l’univers où regards, silences et énoncés corrompus broient tout idéalisme, voire le simple espoir de vivre. Quant aux acteurs principaux, Alexandre Kouznetsov et Alexandre Filippenko, ils peuvent prétendre à un prix d’interprétation ex æquo.

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