L’Europe et l’hydrogène – avenir commun ou relation impossible ?
Le 20 juin dernier, les eurodéputés ont exhorté la Commission européenne à revoir les règles contestées encadrant les hydrogènes renouvelables, afin d’assouplir des critères jugés trop stricts. Quelle place l’hydrogène occupe-t-il réellement dans les priorités de l’Europe ?
C'est ici à Bruxelles que l'on doit ouvrir la voie vers des solutions hydrogène européennes. Foto: Fred Romero from Paris, France / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0
(Romain Fournier, Lisa Canastra, Paul Merle) – Alors que le nucléaire conserve une place stratégique dans la politique énergétique européenne, l’hydrogène, qu’il soit naturel ou renouvelable, reste encore largement en marge des grands débats sur la transition écologique. Si l’Union européenne en reconnaît le potentiel, sa mise en œuvre concrète demeure timide et souvent reléguée au second plan. Pourtant, en avril 2024, le Parlement européen a adopté le règlement dit « recast » sur les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène, marquant une étape importante. Ce texte souligne la nécessité d’intégrer pleinement l’hydrogène, y compris l’hydrogène naturel encore peu exploré, dans les dynamiques de marché à l’échelle européenne.
Le 18 mai 2021, dans le cadre d’un rapport du Parlement européen sur le plan d’investissement pour l’hydrogène propre, l’eurodéputé allemand Jens Geier expliquait que « nous devrions tout faire pour garantir que l’hydrogène soit produit à partir d’énergies renouvelables, mais je pense aussi que nous devons essayer de le produire à partir de sources bas carbone. »
Plusieurs mesures récentes témoignent de l’intérêt croissant de l’Union européenne pour l’hydrogène renouvelable. Le plan « REPowerEU » (2022) fixe un objectif de 20 millions de tonnes consommées d’ici 2030, dont la moitié produite dans l’Union. Le « Net-Zero Industry Act » (2023), quant à lui, classe l’hydrogène parmi les technologies stratégiques pour atteindre la neutralité carbone.
Une hypocrisie européenne – Si l’Europe affiche un intérêt croissant pour l’hydrogène dans le cadre de sa transition énergétique, une certaine ambiguïté persiste quant à la place réellement accordée à toutes ses formes. En dépit des discours inclusifs, l’hydrogène naturel, pourtant prometteur, est totalement absent de la taxonomie verte européenne, qui définit les investissements durables. Aucun cadre juridique spécifique ne lui est dédié, et ni la Commission européenne ni le Conseil n’ont pris de position officielle sur le sujet, malgré les récentes découvertes de gisements en France, à Folschviller, en Serbie ou en Espagne.
Dans les faits, l’Union européenne privilégie l’hydrogène renouvelable, produit à partir d’électricité verte, qu’elle considère comme le seul véritable hydrogène propre à long terme. À l’inverse, l’hydrogène bas carbone, issu de gaz naturel avec capture de CO₂ ou d’électrolyse alimentée par le nucléaire, reste toléré à titre transitoire, mais n’est ni promu activement, ni soutenu financièrement au même niveau.
L’Europe, et en particulier l’Union européenne, semble s’engager dans l’hydrogène plus par obligation que par conviction. Malgré des discours ambitieux, le sujet ne semble pas encore traité à la hauteur de ses enjeux. Quand les responsables européens prendront-ils enfin au sérieux ce levier essentiel pour l’avenir de la planète ?
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