L’Europe – réduite à une fête populaire ?

Allez, pendant tout un mois, on fera semblant que tout aille pour le mieux dans la meilleure des Europes... Foto: Affiche Ville de Strasbourg

(KL) – A un moment où l’Union européenne est menacée comme jamais avant, par la guerre en Ukraine, la corruption dans les institutions, un éloignement des soucis quotidiens des citoyens et citoyennes, la Ville de Strasbourg, l’une des trois capitales de l’Union européenne, fête son « Mois de l’Europe » comme toujours. A croire que l’Europe n’a plus d’autres ambitions que d’être une grande kermesse (qui elle, comme « Kermesse européenne », aura lieu le 9 Mai sur la Place du Château…).

Merveilleux – une manifestation de lancement au Lieu d’Europe dans le quartier européen, la grande kermesse (sic!), des activités pédagogiques et ludiques, des expositions, des arts urbains, des conférences et des concerts, bref, tout va bien dans le meilleur des mondes, les institutions se présentent sous leur meilleur jour et on fait semblant que cette Union fonctionne bien. Mais le contraire est malheureusement vrai et ce ne seront pas les gadgets et les soirées festives où l’Europe institutionnelle s’auto-célèbre qui y changeront quoi que ce soit.

En cette année 2025, année des 80 ans de la fin de la IIe Guerre Mondiale, l’Union européenne, ancienne lauréate du Prix Nobel de la Paix, a décidé de s’endetter de 800 milliards d’euros pour un réarmement effréné, au détriment de la culture, du social, de la santé, de la lutte contre le réchauffement climatique. Détourner le regard des dysfonctionnements de cette Union qui n’en est plus une depuis un bon moment, relève presque de la tromperie.

Le slogan de cette 11e édition du « Mois de l’Europe » à Strasbourg, est sympathique : « Bougeons pour faire l’Union ». Mais il s’adresse à qui, ce slogan ? Aux responsables inconnus de la Commission européenne à Bruxelles qui décident des grandes lignes de la politique européenne derrière des portes fermées ? Aux eurodéputés au pouvoir limité, mais qui ont eu la mauvaise idée de permettre à une Ursula von der Leyen de partir pour un deuxième mandat à la présidence de cette omnipuissante Commission européenne ? Aux représentants du Conseil d’Europe qui mènent un travail formidable en devant gérer un mini-budget ? Aux juges de la Cour européenne des Droits de l’Homme dont les verdicts sont généralement ignorés par les états condamnés ? Ou bien, aux nombreuses associations et initiatives de la société civile qui sont encore et toujours tenues à l’écart des processus européens ?

En cette année 2025, l’Union européenne est menacée. Certains membres de cette « Union » se trouvent aujourd’hui du côté de la Russie, certains membres ne respectent plus les règles de base de cette Union et nous assistons à une vague brune d’un néo-nationalisme malsain et autoritaire qui déferle sur l’Europe et qui invalide peu à peu les acquis européens du passé – comme l’Espace Schengen qui n’existe plus que sur le papier.

Il aurait été plus courageux d’intituler cette 11e édition « Pourrons-nous encore sauver l’Union européenne ? », au lieu d’infantiliser une nouvelle fois les Européens et les Européennes. On ne sauvera pas l’Union européenne en prétendant que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes, on ne sauvera pas l’Europe en distribuant des fanions, stylos, tote bags ou autocollants, on ne sauvera pas l’Europe en berçant les prochaines générations dans des activités ludiques.

Ainsi, l’Union européenne se transforme en une sorte de fête populaire, avec un message qui ne correspond en rien au slogan de cette 11e édition. Car ce qui dérange les institutions européennes le plus, ce sont les citoyens et citoyennes qui « bougent pour faire Union » – en réalité, ils n’ont pas droit à la parole et faire semblant pendant un mois dans l’année qu’il s’agit de « notre » Union européenne, n’est qu’une grande hypocrisie. Dommage.