Nom de Zeus !

Angélique Angarni-Filopon versus Delphine Horvilleur - un faux-débat à propos d’un vrai problème.

Depuis Bruxelles en janvier 2015, quid de Paris en janvier 2025 ? Foto: Miguel Discart / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – Une Miss France doit-elle avoir un avis sur tout ? Certes non, et pas plus qu’une rabbine libérale ! Cependant, sur certains sujets, devenus ces dernières années particulièrement sensibles, lorsque des personnes publiques se prononcent avec franchise, le débat gagne en clarté. La question n’est pas tant d’être pour ou contre, que d’oser exprimer son point de vue. Or, dans un contexte de haine décomplexée, il importe que les personnalités ne sortent pas une carte joker, lorsqu’elles sont questionnées à propos de sujets clivants.

Arguant a posteriori d’un devoir de neutralité, Angélique Angarni-Filopon (Miss France 2025 et hôtesse de l’air), répondait « Je ne me prononce pas » lors d’une récente interview sur Sud Radio, quant il lui était demandé si elle était « Charlie », et formulait la même réponse lorsque dans la foulée, elle était questionnée sur le droit au blasphème en France. Plus récemment, Delphine Horvilleur (rabbine et journaliste) écrivait dans Tenou’a – Atelier de pensée(s) juive(s), la revue trimestrielle qu’elle dirige : « Nos religions, toutes nos religions, doivent être critiquées. Elles doivent être sujettes à la critique et, oui, à la moquerie aussi… ».

D’aucuns, jetant la pierre à Angélique Angarni-Filopon, et de surcroît la renvoyant à un rôle de potiche, n’ont absolument rien compris à ce qui se joue, ou alors, ont parfaitement saisi les rapports de force en présence, et instrumentalisent la réponse maladroite de Miss France 2025. La haine décomplexée, qui a envahi les réseaux sociaux, et dont des médias mainstream se font largement écho, n’a pas qu’une seule couleur politique et ne procède pas d’une seule religion. Loin s’en faut et le meilleur moyen de rendre le débat impossible, demeure l’exécration de l’autre, sous couvert d’engagement passionné.

Il devient particulièrement inquiétant qu’au pays dit des droits humains, une pointure du judaïsme comme Delphine Horvilleur doive rappeler à propos des religions : « Et oui, elles ont à se justifier chaque fois que ceux qui parlent en leur nom, prennent le chemin de l’intolérance, de la suprématie, du fondamentalisme, ou de la haine de l’autre. ». Alors que parallèlement, une Miss France comme Angélique Angarni-Filopon, n’ose pas se prononcer quant à être ou ne pas être « Charlie » et au droit au blasphème. Jusqu’à preuve du contraire, l’une n’est pas plus anticléricale ou bigote que l’autre, et rien n’interdit de penser, qu’elles puissent s’apprécier.

Opposer Angélique Angarni-Filopon à Delphine Horvilleur, revient à cliver encore plus la société. Au vu des réactions que suscitent tant la prise de position de l’une que la réserve de l’autre, elles se sont fait ces derniers jours, des ennemis dans toutes les strates de la société. Ceux citant Beaumarchais, qui faisait en son temps dire à Figaro « […] sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. », oublient d’ajouter « […] il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ». Petits hommes et non petites gens, car c’est à un grand seigneur qu’il s’adressait, or aujourd’hui, de plus en plus de petites gens et de grands hommes, craignent les petits écrits !

Des débats réduits à des punchlines afin de gagner de l’audience, la multiplication des post-vérités que l’on n’ose plus nommer mensonges, l’importance démesurée donnée à certains HPI fusent-ils des ignares, sont autant de signes d’une perte de repères civilisationnels, dont notre société n’a malheureusement pas fini de faire les frais. Plutôt que de blâmer celle qui se tait et de féliciter celle qui parle ou inversement, revenons à la racine du problème. A savoir ce qui oblige l’une à parler et contraint l’autre à se taire. C’est à fortiori, quand nous constatons que nous n’avons (plus) rien à nous dire, qu’il importe de nous donner les moyens de nous parler même si « Charlie, oh Charlie, t’iras pas au paradis… »

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