Très bien – mais 14 ans trop tard

Julian Assange était les deux derniers jours au Conseil d'Europe à Strasbourg. Les députés de l'Assemblée Parlementaire étaient choqués par le récit de sa détention.

Julian Assange et sa femme Stella étaient à Strasbourg - où le Conseil d'Europe s'est dit choqué par le récit de sa détention. Foto: © Conseil d'Europe / PACE

(KL) – Le Conseil d’Europe est la seule institution européenne qui se penche sérieusement sur des questions comme la liberté de la presse, le sort des lanceurs d’alerte, le rôle du journalisme comme l’un des piliers d’une démocratie fonctionnelle. Dans ce contexte, c’était une très bonne idée d’inviter le célèbre lanceur d’alerte et sa femme Stella pour écouter dans quelles conditions Assange était privé de sa liberté pendant 14 ans.

Les membres de l’Assemblée Parlementaire du Conseil d’Europe trouvaient le récit d’Assange « glaçant » – mais pendant les 14 dernières années, il aurait suffit de lire les rapports du chargé de la torture de l’ONU, le Suisse Nils Melzer, qui avait parlé très tôt de la « torture » qu’Assange subissait autant dans son refuge dans l’ambassade de l’Équateur à Londres qu’ensuite, dans la prison de haute sécurité de Belmarsh. Pendant toutes ces 14 années, Assange était menacé par son expulsion vers les États-Unis où une peine de 175 ans (!) de prison l’attendait. Les Américains n’aiment pas trop quand des journalistes dévoilent leur crimes de guerre…

Mais il convient de rappeler que pendant ces 14 ans, les institutions européennes ont préféré regarder ailleurs, pour ne pas froisser les Américains, et qu’à l’exception de quelques prises de position en faveur d’Assange par une poignée de députés, personne n’avait entrepris une action concrète visant la libération du lanceur d’alerte. Que l’on découvre les conditions honteuses de sa détention après 14 ans, tombe sous le chapitre « mieux vaut tard que jamais ».

Aussi surprenant dans la communication du Conseil d’Europe, est la déclaration qu’il faudra désormais aussi enquêter sur ces crimes de guerre américains dévoilés par Assange. Mais concernant ces cas concrets, donc les incidents en Irak et en Afghanistan, ces dossiers sont clos, les responsables ont du se justifier devant la justice aux États-Unis et en dehors des documents publiés par Julian Assange il y a 14 ans, une nouvelle enquête ne pourra pas vraiment apporter de nouvelles lumières, surtout pas dans la mesure où personne n’a jamais remis en doute les publications du lanceur d’alerte.

Il est évident que l’Union européenne doit rapidement mettre en œuvre un « asile politique européen » qui pourrait s’appliquer à des lanceurs d’alerte. Il est honteux pour l’Europe que des lanceurs d’alerte comme Julian Assange ou Edward Snowden n’aient pas trouvé une quelconque protection dans l’Union européenne qui par ailleurs, s’auto-célèbre comme le fief des Droits de l’Homme et de la démocratie.

Pour ne pas avoir eu connaissance des conditions de détention de Julian Assange et du procès honteux à Londres qui ne correspondait en rien à un procès dans un état de droit, il fallait faire fort pour passer à côté de ces informations qui étaient largement diffusées. Les découvrir aujourd’hui, en qualifiant le récit d’Assange de « glaçant », indique qu’on ne s’y est pas intéressé pendant ces 14 ans.

Dommage que le Conseil d’Europe n’ait pas l’autorité pour légiférer. Car il est fort à craindre qu’une véritable protection des lanceurs d’alerte et la mise en œuvre d’un « asile politique européen » n’émanera ni de la Commission européenne, ni du Parlement européen qui lui, n’a même pas le droit de faire une telle proposition.

C’est formidable que Julian Assange ait pu voyager en homme libre à Strasbourg, il est formidable que le Conseil d’Europe l’ait accueilli, mais il est honteux que des députés ne découvrent qu’aujourd’hui ce qui est réellement arrivé à Julian Assange. Qui sait, peut-être les Conseil d’Europe pourra exercer de la pression sur la Commission européenne pour que celle-ci prenne l’initiative de la mise en œuvre d’un tel « asile politique européen ». Ce serait souhaitable.

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