Protéger les rivières dans les Balkans

Des rivières ? Quelles rivières ?

Près du lac de Jablanica (Bosnie-Herzégovine), qui aujourd'hui, n'existe plus ! Foto: Adam Jones, Ph.D. / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – De manière générale, il semble que la protection de l’environnement, particulièrement celle des rivières et des espèces qui y bondissent et qui y frétillent, soient le cadet des soucis des dirigeants politiques dans cette région du sud est de l’Europe. La gravité des problèmes politiques et humains des années 1990 à 2015 environ peut l’expliquer ; mais sans doute est-il temps de passer à une autre époque. Quand on traverse ces pays, on est saisi par l’urgence du problème.

Steven Weiss, professeur de l’Université Karl Franzen de Graz, auteur du rapport excellent intitulé Balkan Rivers, Endangered  Fish Species Distributions and threat from hydropower development (Avril 2018) estime que les cours d’eau de ces pays sont très sérieusement menacés, et cela, à court terme. Ce qui les menace surtout, ce sont les… 2800 barrages qu’on projette d’y construire ! 10 % des espèces de poissons risquent ainsi de disparaître. Une catastrophe se prépare, et il est plus que temps de s’en préoccuper. Pour nous aussi, Européens occidentaux.

Les Balkans, ce sont 35 000 kms de fleuves et de rivières, la moitié dans un état correct, une richesse et une diversité merveilleuses pour l’instant, admirées par le programme Save the Blue Heart of Europe mis en place par Euronatur et une campagne internationale, Riverwatch. Mais les dirigeants politiques ne montrent guère d’égards envers leur patrimoine naturel. Les 2800 barrages projetés le sont parfois, pour environ un tiers d’entre eux, dans des parcs naturels, y compris nationaux ! Il semblerait que 49 espèces de poissons sur 113 risquent fort de disparaître. 11 espèces sont particulièrement menacées, dont le Beluga européen en Albanie et en Grèce et le Zingel zingel (une sorte de Perche) en Slovénie et au Kosovo (sans doute en Bulgarie aussi) : les poissons auront fort à faire là-bas contre une centaine de barrages.

Prenons une carte des Balkans. Les bassins hydrauliques les plus gravement menacés sont ceux de la Neretva, à cheval sur la Bosnie-Herzégovine et la Croatie ; ceux de la Morača (qui comporte un sublime défilé) au Montenegro, le lac de Skadar qui chevauche le Montenegro et l’Albanie et le bassin de la Tara et de la Drina. C ‘est un projet de centrale, celle de Bjelimici, qui saccagerait le cours de la Neretva ; au Montenegro, environ 800 familles vivent encore actuellement de la pêche dans la Morača et le lac de Skadar… Le professeur Weiss estime qu’il serait très urgent de couper court à tout délire et de donner à cette belle rivière le statut de réserve naturelle.

Pire encore, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a signé un traité avec (coucou les revoilou) une entreprise chinoise, la China National Aero-technology International Engineering Corporation. Ce traité prévoit la construction d’une giga centrale hydroélectrique au confluent des rivières Tara et Piva, à 10 kms de la ville de Foča. Résultat prévu, selon le professeur Weiss : 22 espèces décimées.

Et pourtant, l’engagement de nombreux citoyens ne manque dans aucun de ces pays, que ce soit en Bosnie, en Serbie ou en Croatie, au Montenegro ou en Albanie, etc. Il faut dire que lesdits citoyens ont été confrontés à des incidents spectaculaires. Début 2017, mauvais surréalisme écologique : un lac tout entier disparaît, le lac de Jablanica, en Bosnie-Herzégovine, par suite d’une fissure dans un barrage… Score atteint : plus de 2 millions de poissons morts.Voilà qui est nouveau ; mais nous ne sommes sans doute pas au bout de ce genre de surprises, hélas. En mars 2018, voyant fort bien l’affairisme des dirigeants et l’ampleur des risques, les habitants de Banja Luka (Serbes de Bosnie) refusent l’édification d’un deuxième barrage sur la Vrbas. En avril de cette année, on déverse des cochoncetés chimiques dans la rivière Spreča. Résultats : a pu rin dans l’eau, pas le moindre goujonnet.

Qu’en est-il de tout cela dans la classe politique des pays balkaniques ? Il n’en est rien ou très peu. Le problème est… systémique ; la faune risque de faire les frais de la manière dont fonctionnent les liens entre les entrepreneurs et beaucoup de politiciens trop gourmands. Il y a tant à dire à ce propos que nous reviendrons bientôt et souvent sur ce thème.

Reste une tâche urgentissime : celle de réveiller la conscience des dits politiciens, et de mobiliser bien plus fortement encore les citoyens dans cette aire magnifique où subsistent des espèces rares et des milieux uniques, extraordinaires.

A consulter et à aider, impérativement : http://riverwatch.eu/en et http://www.euronatur.org/

 

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