Grandes manœuvres

Para bellum en Norvège, dit l’OTAN...

" Si tu veux la paix, prépare la guerre " (Casino militaire de Madrid) Foto: Luis Garcia / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – De grandes manoeuvres de l’OTAN se préparent – elles sont déjà prêtes. Elles mobiliseront plus de 44 000 soldats, apprend-on. Du 25 octobre au 23 novembre, les troupes nord-atlantiques s’entraîneront pour préparer les pays membres à une situation d’agression, comme le disent d’ailleurs toujours les informations officielles à la veille de telles manœuvres.

Trident Junction durera un mois et se déroulera en Norvège : plus précisément, nous apprend le média norvégien NRK, à partir du centre du pays ; des opérations aériennes partiront vers le Nord (vers le Nordland et Bodø). Aucune surprise à cela ; nous le savons d’ailleurs depuis le 11 juin. La Norvège, en effet, est le témoin – et l’objet ? – de phénomènes étranges et, pourrait-on dire, semi-agressifs, notamment dans ses eaux : apparition de sous-marins fantômes qui semblent n’être pas envoyés par les dirigeants de la planète Mars ni la garde rapprochée de Poséidon, mais par un Poutine en manque de plus en plus pressant de ritaline.

Ces manœuvres prennent un sens particulier après les exercices gigantesques des troupes russes dans le nord est de la Russie, qui ont vu se mouvoir 300 000 soldats et s’embrasser tendrement militaires russes et chinois.

L’OTAN n’ a guère organisé d’exercice aussi important depuis la fin de la Guerre Froide et l’année 1991, avec la série de manoeuvres appelées « Reforger » (pour Return of Forces to Germany), qui avaient mis en branle 125 000 soldats. En 2002, « Strong Resolve » avaient, elles aussi, vu 40 000 hommes sur le pied de guerre. Après l’annexion de la Crimée par la Russie, cependant, l’ OTAN a réellement repris du poil de la bête et quelque peu modifié à nouveau sa perspective… Faut-il dire hélas ?

De fait, la Russie et les 29 pays membres de l’OTAN ont des motifs de crainte réciproque. La Russie et la Chine manifestent des signes d’inquiétude (feints ou réels…) à l’écoute des propos de matamore de Donald Trump et face à la guerre économique que le président américain a proclamée et commencé à pratiquer : du côté chinois, on entraîne ses troupes à l’ouest et on intensifie la construction de la nouvelle Route de la Soie (One Belt, One Road, ou OBOR, voir notre article précédent dans Eurojournalist), en vertu d’un mouvement de précaution et de « repli » vers l’Europe occidentale. Il existe des intérêts communs à la Chine et à la Russie, qu’il faut certes relativiser : l’ennemi de mon ennemi est mon ami, en somme.

L’Occident, lui, redoute l’influence de plus en plus pesante de Poutine en Pologne et dans les pays baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) qui réclament une dissuasion crédible ; et il craint la présence russe perceptible un peu partout (tentacules tactiles avancés puis retirés en Scandinavie, guerre du renseignement et tentatives d’intox, affaire novitchok – un véritable classique du genre …)

Bien sûr, comme la Russie voici deux semaines, le bureau bruxellois de l’OTAN affirme que les manoeuvres norvégiennes n’auront pas pour but de jouer le scénario d’une riposte à l’offensive d’un pays précis.

Le jeu de guéguerre des troupes de l’OTAN consistera en ce que des « Forces du Sud » (l’Allemagne, qui déploiera plus de 10 000 hommes, l’Italie et la Grande-Bretagne qui utilisera Boris Johnson comme bouclier humain, une suggestion en passant) tenteront d’arrêter l’offensive des « Forces du Nord » (Etats-Unis, Canada, et Norvège). En deuxième mi-temps, les « Forces du Sud » mèneront une contre-offensive contre celles « du Nord ».

Pourquoi l’Allemagne envoie-t-elle un contingent aussi important (10 000 hommes et 10 000 véhicules motorisés, et 130 avions, et 70 navires) ? On peut supposer que c’est parce qu’en 2019, elle doit prendre la direction de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF, Very High Readiness Joint Task Force) – La VJTF est une partie du dispositif militaire de l’OTAN tel que restructuré entre 2000 et 2005 ; elle se compose essentiellement d’une brigade de 5000 hommes, hautement opérationnelle. En passant : que l’Allemagne prenne la direction de cette Force est intéressant à plus d’un titre.

La presse de ce petit pays qu’est la Norvège, NRK notamment, laisse percer une certaine fièvre et quelques inquiétudes : tous ces soldats et tous ces engins, au centre du pays ? Ces risques de transmission de maladies par les troufions étrangers ? Et tous ces repas à préparer !

En somme, on sent dans le monde entier, et non pas seulement en Europe, l’émergence d’une Guerre Froide new style…

L’adage antique : Si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépare la guerre) semble reprendre toute sa vigueur. L’ écrasante majorité des citoyens du monde dirait plutôt : Si vis Pacem, para Pacem. Mais on ne l’écoute jamais.

Comme l’écrit excellemment Pierre Larousse en 1920 : « Cette maxime toute romaine est bien peu philosophique. Il est paradoxal de dire que les gros bataillons assurent la paix. Les peuples sont de grands enfants : quand on a de si belles armes, il se trouve toujours des fous qui brûlent de les essayer. »

 

 

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