Pour un prolongement de l’hypocrisie européenne

Lors de son congrès à Bucarest, l'EPP a désigné Ursula von der Leyen comme tête de liste pour l'élection européenne le 9 juin 2024. Les conservateurs n'ont pas trouvé mieux ?

Sans autre candidat, les délégués de l'EPP avaient le choix à Bucarest entre Ursula von der Leyen et Ursula von der Leyen... Foto: © European Union 2019 / Source EP / Wikimedia Commons / CC-BY 4.0int

(KL) – Pour illustrer l’hypocrisie de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui peut maintenant briguer un deuxième mandat, il suffit de regarder de plus près sa « phrase clé » prononcée lors du congrès de l’EPP (European People’s Party) à Bucarest.

« Le signal que nous envoyons aujourd’hui depuis Bucarest, c’est que l’EPP défend une Europe forte, sûre, paisible, prospère, démocratique et unie », disait la candidate à sa propre succession lors du congrès de l’EPP. Et là, ça vaut la peine de regarder chaque élément de son langage pour comprendre pourquoi il ne faut surtout pas voter pour ceux qui veulent permettre à Ursula von der Leyen de continuer à décrédibiliser les institutions européennes et de détruire définitivement la confiance que d’aucuns ont encore en ces institutions.

Une « Europe forte » ? L’Europe ne joue plus son rôle de jadis dans le concert international. Paralysé par un règlement qui empêche l’Union européenne d’être efficace, en particulier par la règle de l’unanimité, l’Europe n’est plus forte. Le centre du pouvoir mondial s’est décalé vers les états BRICS et l’Europe est, dans le meilleur des cas, encore un partenaire de commerce, mais politiquement, l’Europe est aujourd’hui tout sauf « forte ».

Une « Europe sûre » ? Est-ce qu’à l’EPP, on ne suit pas les sondages en Europe ? Ces sondages où les Européens et Européennes expriment leurs soucis face à l’insécurité ? Les attaques terroristes n’ont jamais cessé, la violence s’est installée dans tous les domaines de la société, des guerres se déroulent devant nos portes et dans les sondages, « l’insécurité » est citée partout. Force est de constater que même si l’Europe est encore plus sûre que certains pays de l’est de l’Europe ou de l’Amérique du Sud, l’Europe n’est plus « sûre ».

Une « Europe paisible » ? L’Europe est aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas, partie prenante de la guerre en Ukraine. Le dernier « paquet » d’aides à l’Ukraine s’élève à 50 milliards d’euros et l’Europe entière met l’Allemagne sous pression pour que celle-ci livre enfin les armes à l’Ukraine qui lui permettent d’attaquer Moscou. Le « grand projet de la paix », pour lequel l’UE a même reçu un Prix Nobel il y a quelques années, n’existe plus. Aujourd’hui, l’Europe n’est pas « paisible », mais dirigée par des va-t-en-guerre qui de plus, financent cette guerre autant pour Vladimir Poutine que pour Volodomyr Zelenskyi.

Une « Europe prospère » ? Une telle idée ne peut venir que de la part d’une femme politique qui ne doit pas s’occuper à faire ses courses ou à payer ses factures. Tout Européen qui fait aujourd’hui ses courses, constate que les prix ont beaucoup augmenté, que beaucoup d’Européens tombent aujourd’hui dans une misère que les systèmes sociaux des états-membre ont de plus en plus de mal à sauver. Non, l’Europe, sauf pour les « happy few », n’est plus « prospère ».

Une « Europe démocratique » ? Même l’EPP présente aujourd’hui une drôle de façon de vivre la démocratie. Lors du congrès à Bucarest, tout était pipé d’avance, Ursula von der Leyen a été élu sans concurrent. Est-ce vraiment démocratique de régler une telle question en amont et derrière des portes fermées ? Le vote des délégués de l’EPP (qui avaient donc le choix entre Ursula von der Leyen et Ursula von der Leyen, ce qui fait un peu penser aux élections en Russie dans quelques jours) n’était donc qu’une formalité et la désignation d’Ursula von der Leyen ne mérite pas le qualificatif « démocratique ».

Une « Europe unie » ? Non, mais là, Ursula von der Leyen se moque des Européens. Quasiment aucune décision ne peut être prise car il y a toujours quelqu’un parmi les 27 qui n’est pas d’accord – les « spécialistes » pour cette façon de paralyser l’Europe, sont la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie. Et puisque ça fonctionne tellement mal, Ursula von der Leyen veut encore opérer un élargissement de l’Union. De plus, aucun des projets annoncés, « l’Europe de la Défense », « l’Europe de l’Energie », « l’Europe sociale », « l’Europe de la Santé » n’a été mis en œuvre par les institutions européennes pendant son premier mandat. Essayer de vendre ce bilan catastrophique comme un succès, il a fallu oser. Et on pense à Audiard…

Ursula von der Leyen représente encore et toujours des « valeurs » qui ne sont pas les valeurs de l’Europe. Dans les institutions, la corruption est autant présente qu’en Ukraine, la démocratie et la liberté de la presse n’importent à l’Europe que lorsque les Russes ou les Chinois les malmènent, mais personne n’a jamais entendu Ursula von der Leyen demander la libération de Julian Assange. De plus, elle représente la main-mise allemande sur les institutions et il est grand temps que cela change.

Donc, à Bucarest, l’EPP a effectivement lancé un signal – celui qu’il faut absolument éviter de voter pour les partis qui forment ce groupe qui veut livrer l’Europe pour la deuxième fois à celle dont le bilan est affligeant. Un deuxième mandat pour Ursula von der Leyen pourrait conduire au collapse de l’Union Européenne – donc, il est temps de voter autrement.

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