Pourquoi les Syriens arrivent en Europe

Ce que nous appelons chez nous «la crise des réfugiés» n’est rien par rapport à ce que le peuple syrien doit endurer depuis 2011. La Syrie est devenue un pays martyr.

Vivre en Syrie est devenu extrêmement dangereux. Les chiffres le prouvent. Foto: Voice of America - Scott Bobb reports from Aleppo / Wikimedia Commons / PD

(KL) – «C’est la chancelière Angela Merkel qui a invité les Syriens à venir en Europe», peut-on entendre un peu partout en Europe. «Ils viennent pour profiter de nos systèmes sociaux», disent les xénophobes. «Il s’agit d’une invasion islamique», craignent d’autres. Tout cela est faux. Un rapport de la «Commission d’enquête indépendante sur la Syrie» du Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unis détaille les chiffres d’une catastrophe humaine, politique et économique.

Tout avait commencé en 2011, lorsque 15 jeunes avaient écrit un graffiti sur un mur de la ville de Deraa au sud du pays : «Le peuple veut la chute du régime». Suite à l’arrestation de ces jeunes, des émeutes avaient été brutalement supprimées par les forces d’ordre d’Assad et ce fut le début d’une guerre civile qui allait s’avérer meurtrière pour la Syrie.

Le rapport du «Syrian Center for Policy Research» traduit les horreurs de cette guerre civile qui s’est transformée en guerre de substitution pour les grandes puissances et le «Daesh», en chiffres. Quand on regarde ces chiffres, on comprend pourquoi les Syriens fuient leur pays et ces chiffres devraient clouer le bec à ceux qui tiennent de grands discours au bistrot du coin en se lamentant sur ces réfugiés qui viennent profiter de notre générosité.

55,4. L’espérance de vie moyenne en années d’un citoyen syrien. En 2011, cette espérance de vie en Syrie était de 70,5 ans. Pour vivre plus longtemps, les Syriens n’ont d’autre possibilité que de quitter leurs villes et villages et de tenter de survivre ailleurs.

10. Le pourcentage des citoyens syriens tués ou blessés dans le cadre de cette guerre civile depuis 2011. Ce pourcentage indique clairement qu’il n’y a plus une seule famille en Syrie qui n’auraient pas été directement touchée par cette guerre.

11.000.000. La moitié des 22 millions de Syriens est en fuite actuellement, 5 millions ont réussi à quitter le pays, principalement vers la Turquie et le Liban, mais aussi vers l’Europe. 6 millions de personnes se trouvent déplacées à l’intérieur du pays et il s’agit souvent de ceux qui n’ont pas les moyens de tenter une fuite vers l’étranger. Comparé à la France, c’est comme si 16 millions de français avaient dû quitter le pays, tandis que 16 millions de français devaient errer à l’intérieur de la France.

645. Le nombre de médecins et d’infirmières tués par les militaires des différents partis belligérants. Les attaques ciblées sur des structures médicales constituent un crime odieux et une violation des Conventions de Genève. Mais puisque personne n’a officiellement déclarée la guerre à quiconque, ces Conventions sont tout simplement ignorées.

50. Le pourcentage d’enfants qui ne peuvent plus aller à l’école puisque les structures scolaires sont détruites ou parce que les enseignants ont été tués ou sont partis. Ainsi, la prochaine génération, donc celle qui devrait reconstruire le pays une fois le conflit terminé, devra affronter cette mission sans formation scolaire ou professionnelle, ce qui rendra la reconstruction de la Syrie encore plus difficile.

85. Le pourcentage de la population syrienne qui vit aujourd’hui en-dessous du seuil de la pauvreté. Deux tiers des Syriens ont perdu leur travail et n’ont plus de revenus. La faim s’installe dans des villes et villages assiégés et le manque de perspectives ainsi que les problèmes de survie pèsent autant sur le moral de la population que les opérations militaires permanentes. Souvent, la seule possibilité de survie consiste à rejoindre l’une des innombrables milices et de gagner sa vie en tant que combattant ou par des activités criminelles comme des enlèvements ou en pillant les décombres des bâtiments bombardés.

Dans un tel contexte, il est compréhensible que les Syriens tentent de survivre en quittant leur pays. Non, ils ne viennent pas pour abuser de nos sacro-saints systèmes sociaux, non, ils ne viennent pas parce que quelqu’un les aurait invités et non, ils ne viennent pas dans le cadre d’une prétendue «invasion islamique». Ils viennent parce que leur pays est meurtri, parce qu’il est bombardé jour et nuit et nous n’avons pas le droit de fermer nos yeux devant une telle catastrophe. Fermer nos frontières, refuser d’accueillir ces victimes d’une guerre affreuse, cela revient à se rendre coupable de «non-assistance à personne en danger». Car derrière ces chiffres choquants se trouvent des destins d’individus, des souffrances personnelles et notre solidarité n’est pas une option, mais un devoir. Pourvu que les responsables européens prennent connaissance de ce rapport avant le prochain sommet européen les 17 et 18 mars à Bruxelles.

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