Plein écran : « Lovers Rock » de Steve McQueen, la fête à la maison

Au Festival de Cannes, Esther Heboyan a vu pour vous « Lovers Rock » de Steve McQueen.

"Lovers Rock", une fête cinématographique... Foto: Parisa TaghizadehBBCTurbine Studios Limited

(Cannes, Esther Heboyan) – Le truculent réalisateur anglais Steve McQueen, Caméra d’Or à Cannes pour Hunger (2008) sur Bobby Sands membre de l’IRA qui mourut en prison, auteur de 12 Years A Slave (2013) sur Solomon Northup kidnappé et vendu comme esclave en Louisiane, est venu présenter Lovers Rock en séance nocturne sur la Plage du 74ème Festival de Cannes.

Lovers Rock, le second épisode de la série Small Axe diffusée par la BBC et Amazon Prime, nous plonge dans le quartier Ladbroke Grove à l’ouest de Londres dans les années 1980. Des Afro-Caribéens y préparent « a house party », une soirée dans une maison privée. Lovers Rock désigne la musique reggae qui enchante, exalte la jeunesse noire de l’époque. L’un des moments les plus électriques du film est la séquence où tout le monde s’amuse sur le hit Kung Fu Fighting du Jamaïcain Carl Douglas.

Le montage énergique, euphorique des plans découpe les étapes de la fête : déménagement du mobilier, préparation des plats, installation du matériel son (le Mercury Sound que l’on vante sans cesse), arrivée des invités qui doivent s’acquitter de 50 pence, rencontres, esquives, romance, violence, chants et danses jusqu’à la transe, dispersion au petit jour. Les acteurs de deuxième et troisième générations afro-caribéennes y jouent la vie de leurs parents, dit McQueen pendant la Master Class au lendemain de la projection. Amarah-Jae St. Aubyn (une étoile montante) et Michael Ward (Meilleur Espoir des Bafta 2020), y tiennent le rôle des amoureux Martha et Franklyn, aux côtés d’autres excellents interprètes tels que Shaniqua Okwok, Kedar Williams-Stirling (Jackson dans Sex Education), Ellis George (Dr. Who).

McQueen, qui a fait des études d’art, réfléchit beaucoup à la composition des plans et au rythme du récit. Il veut donner le meilleur à son public. Il faut savoir maintenir la tension dramatique. C’est comme marcher sur une corde raide, explique-t-il. Et il ajoute qu’il est un artiste politiquement engagé. Il ne fait pas du Disney qui livre du contenu selon leur vision du monde. Lui privilégie l’esthétique au contenu et ne récuse pas le terme de formaliste employé par le modérateur de la Master Class.

Avec Lovers Rock, qui se déroule pendant une seule nuit, le cinéaste décrit les frustrations et les attentes d’une population qui rehausse son quotidien d’instants extraordinaires grâce à la musique et à l’amour, tout en évoquant les tensions entre Blancs et Noirs dans le Londres des années 1980. McQueen rappelle qu’il est lui-même descendant d’esclaves, comme une partie de sa famille qui vit aux États-Unis, et que son cinéma vise à montrer ce qui est arrivé. Il veut un cinéma qui dérange, qui mette les gens face à la vérité. Mais Lovers Rock, en dépit des moments rugueux, reste une vraie fête.

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