Alain Fontanel élève le débat sur les réfugiés à Strasbourg

Lors d’un débat au Conseil municipal de Strasbourg, le premier adjoint au maire a tenu un discours remarquable que nous publions ici dans son intégralité.

Alain Fontanel a rappelé la responsabilité de la capitale européenne - Strasbourg, la solidaire ! Foto: Claude Truong-Ngoc / Eurojournalist(e)

(CTN/KL/AF) – Bien sûr, hier, au Conseil Municipal de Strasbourg, le FN n’a trouvé mieux que de vociférer sur les réfugiés, certains élus ayant quitté la séance prématurément pour prendre un verre dans un bar pas trop loin. Mais il y en a à Strasbourg qui prennent «Strasbourg, l’Européenne», «Strasbourg, l’Euro-Optimiste» au sérieux. Comme Alain Fontanel, dont l’intervention devrait être apprise par cœur par ceux qui pensent que la capitale européenne ne devrait pas afficher sa solidarité. Bonne lecture !

Intervention d’Alain FONTANEL, premier adjoint au Maire de Strasbourg

La question qui se pose à nous aujourd’hui n’est pas de débattre de la manière dont l’Etat français ou l’Union européenne assument leurs responsabilités face à la crise des réfugiés.

Notre propre responsabilité consiste à répondre clairement à une question simple : «devons nous, oui ou non, accueillir dans notre ville ces réfugiés, victimes de conflits armés, qui frappent aux portes de l’Europe ?».

Notre responsabilité est incontestablement de le faire et d’afficher haut et fort notre solidarité.

Cette responsabilité que nous devons assumer, c’est celle du symbole que notre ville incarne en Europe, et au-delà.

Le symbole de la paix et de la démocratie en Europe qui n’a d’ailleurs pas échappé à Angela Merkel et à François Hollande qui ont choisi de tenir, dans quelques jours, un sommet franco-allemand sur les réfugiés ici même, à Strasbourg.

Que pourrait bien devenir notre continent si, la capitale européenne, siège du Parlement européen et de la Cour européenne des droits de l’Homme, n’affichait pas sa solidarité ?

Notre responsabilité c’est aussi celle de notre identité produit d’une histoire si souvent tourmentée.

Nous ne pouvons pas oublier que notre ville et notre région ont eux aussi apporté leur lot de réfugiés à l’histoire de notre continent.

Ils étaient ainsi plus de 50 000 à fuir au lendemain de la défaite de 1870, 5 000 d’entre eux ont même trouvé refuge en Afrique du Nord.

En 1939, ce sont 120 000 strasbourgeois qui étaient évacués vers d’autres villes et régions françaises, comme à Périgueux, où ils ont trouvé réconfort et soutien dans des familles aux conditions de vie souvent déjà bien difficiles.

Strasbourg a aussi toujours été dans son histoire une terre d’asile et de refuge.
Il y a bien sûr eu les chrétiens de la réforme fuyant les persécutions et venus se réfugier dans notre ville.

Il y a aussi un autre épisode moins connu mais qui prend une signification particulière aujourd’hui alors que le Parlement hongrois vient d’autoriser l’armée à tirer pour sécuriser ses frontières.

C’était en 1956, quelques jours après l’écrasement du soulèvement hongrois par l’armée soviétique. Un train transportant près d’un millier de réfugiés était parti de Budapest pour fuir les combats et l’oppression. Le convoi s’arrêta pour la première fois en territoire français à la gare de Strasbourg. Une centaine de ces réfugiés hongrois fit le choix d’arrêter là leur périple pour demander soutien et assistance à la capitale européenne des droits de l’homme.

Le maire de l’époque, Charles Emile Altorffer, décida de tout faire pour les accueillir dans de bonnes conditions et d’assumer ainsi ses responsabilités, celles de notre ville. Des baraquements en bois furent construits et installés à leur attention dans le parc de Pourtalès et des cours de français organisés afin de faciliter leur intégration. La plupart y vécurent deux ans avec le soutien des services de la ville et la solidarité des strasbourgeois.

Parmi eux il y avait un jeune étudiant en lettres qui poursuivit ses études à l’Université de Strasbourg avant de devenir, plus tard, un écrivain internationalement reconnu, membre de l’Académie hongroise des sciences et des lettres. Georges Ferdinandy a raconté cette histoire, la sienne, dans un livre où il exprime son infinie reconnaissance à notre ville et à ses habitants pour leur solidarité et générosité. Il a toute sa vie été un ambassadeur extraordinaire de Strasbourg.

Ce que nous avons fait, à une époque bien plus difficile pour notre ville et notre pays, nous pouvons et nous devons le refaire aujourd’hui.

N’oublions pas, «nous sommes ce que nous faisons à répétition» (Aristote).

Restons fidèles à nos valeurs et à notre histoire en organisant dans les meilleures conditions possibles cette solidarité sans pour autant occulter les inévitables difficultés.

Cette dignité dans l’action nous la devons aux réfugiés bien sûr mais aussi à l’Europe toute entière.

Nous la devons aussi à nous même, et à nos enfants, afin de ne jamais oublier ce que nous sommes.

Des descendants de réfugiés qui ont trouvé refuge dans notre ville, fuyant conflits et persécutions, ou qui, au contraire, ont du la fuir dans la douleur à un moment ou l’autre de son histoire tourmentée.

Nous devons, ici à Strasbourg plus que nulle part ailleurs en Europe, assumer nos responsabilités en étant à la hauteur de notre histoire en espérant que ce message sera compris et entendu par tous ceux qui, comme en Hongrie, rechignent aujourd’hui à assumer les leurs.

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