Bélarus : la nouvelle Silicon Valley ?

L'innovation high tech en Bélarus !

Le président Lukashenka est parti très loin dans le cosmos Foto: Tomasz Sumila Lukashenka / Wikimédia Commons / 4.0int

(MC) – Une question étonnante. Etonnante à cause de la réputation dont souffre cet étrange pays d’Europe orientale : une réputation d’autoritarisme post-stalinien et d’archaïsme économique. Et pourtant, cela fait plus de dix ans qu’on parle de la construction d’un vaste parc High Tech qui vise à concurrencer la Californie. Les Etats-Unis sont d’ailleurs la bête noire du président Lukashenka.

Alexander Lukashenka, en 2010, veut résoudre les problèmes financiers qui se posent à son pays, notamment à cause de la rareté des investissements étrangers. Mais… Pas d’inquiétude ! Comme à Nuuk (Illulissat?) et à Tananarive, les Chinois arrivent !

Et ils s’installent. On parle d’au moins 100 000 travailleurs venus de l’Empire du Milieu. La Chine n’est pas regardante ; point n’est besoin d’expliquer longuement pourquoi.

Et pourtant, le régime biélorusse est sans doute le plus répressif d’Europe. Au pouvoir, le Parti communiste et un petit nombre de partis satellites, comme à la belle époque où on était si tranquille, Ma’âme Michow, où il n’y avait aucun délinquant (ils étaient tous en Occident), pas de manifestations de « terroristes » (c’est le terme qu ‘emploie le régime pour qualifier ses opposants, dont beaucoup souffrent d’un problème de longévité), et où la police politique porte encore le doux nom de KGB, trente ans après Gorbatchev. Au moins, les choses restent dans les clous, n’est-ce pas.

En 2004, on commence à émettre l’idée très ingénieuse d’un High Tech Park. Les années suivantes, on rase pour cela quelques villages, sur plus de 50 000 hectares, malgré des milliers de signatures sur des pétitions dont le régime ne perçoit pas l’utilité immédiate, et malgré les nuisances sur l’environnement et la faune. La population du pays finira-t-elle tout de même par profiter de cette installation et de ces investissements ?

Né d’un Décret du président en 2005, le High Tech Park s’est développé entre 2011 et 2016. Il repose sur le principe d’extraterritorialité : Lukashenka pas trop près tout de même … Des facilitations fiscales considérables rendent le site attractif pour les investisseurs étrangers. Le plus grand succès du HTP, c’est Game Stream,l’ entreprise qui a créé le sinistre et fameux jeu World of Tanks : un jeu qui met aux prises des tanks lors de guerres interminables et glorieuses. Douze millions d’usagers par mois…

Le HTP comprend en tout 187 entreprises résidentes et plus de 30 000 employés . Le taux d’entreprises biélorusses qui investissent là est tout de même de 41%, ce qui est une proportion importante. Autres entreprises à succès établies là : Viber, EPAM , MSQRD.

Mais… En Belarus ?! Certains juristes avancent que si l’image du régime post-stalinien au pouvoir est peu engageante, la protection légale est, elle, très avantageuse, notamment par comparaison avec celle de la Russie. Cette Russie qui apparaît sans cesse, de manière presque obsessionnelle parfois, comme une sorte de frère ennemi : nous nous entendons bien avec eux, mais nous sommes bien différents, en somme… Et l’ambiance au HTP serait très stimulante : la zone est de dimension plutôt restreinte (par rapport à la Silicon Valley, nous traduisons l’implicite en clair), et tout le monde se connaît, tout le monde s’entraide. Bélabisounourus, donc.

Ces dernières années, le HTP créé par Minsk semble remporter un succès indéniable. Il est devenu l’un des centres d’innovation IT principal d’Europe Centrale et orientale. En 2016, le Parc aurait reçu 169 millions de dollars d’investissements directs ; ce qui représenterait une augmentation de 16% par rapport à 2015. 67 pays sont desservis par les entreprises résidant au HTP : 49 % aux pays européens, 43% aux Etas-Unis.

Et cependant, malgré de grands efforts de propagande fournis par le gouvernement, l’économie du pays semble peu florissante. En 2016, la situation est difficile, du fait de la dégradation des économies russe et ukrainienne et de la chute des prix du pétrole. Le Bélarus continue à dépendre largement de la Russie ; il cherche ainsi à se rapprocher à la fois de la Chine et de l’Union européenne.En 2017, peu d’améliorations.

Restons cependant attentifs à l’évolution de ce pays et de ses habitants, qui comprend quelques éléments prometteurs. Le moindre n’est pas le fait même de l’importance accordée au développement informatique et à la digitalisation par le régime lui-même : il finira bien par être dépassé par sa propre création.

Il est d’ailleurs déjà évident qu’aux yeux de bien des Biélorusses, la propagande du régime est ridicule et relève des années 1960. Ainsi, significativement, les pages exposant dans plusieurs médias les mérites de « la » femme biélorusse. Mais comment fait-elle donc ? Elle sait tout faire ! D’une main, elle manie avec dextérité le pampers local, de l’autre, elle enfonce un clou dans un mur ; et puis en même temps, avec sa bouche ou ses orteils, elle remue une casserole. Et elle est belle comme tout, comme une star du cinéma. Pour accueillir son mari, on l’aura deviné. Oui, mais attention : elle n’est pas très soumise à son mari. Pourquoi ? Parce qu’elle est… différente de « la » femme russe et de « la » femme ukrainienne, bien sûr !

 

 

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