Chypre – une île oubliée par l’Europe ?

A l'occasion de la fête nationale chypriote, José Manuel Lamarque a interviewé la journaliste Evagoras Mavrommatis sur la situation actuelle sur cette île toujours partagée entre la Turquie et son indépendance.

En Chypre, il y a toujours beaucoup de tensions entre la Grèce et la Turquie. Foto: EUCyprus / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(José Manuel Lamarque / france:info) – En plein conflit ukrainien, alors que le président turc Recep Tayyip Erdoğan joue les intermédiaires et déploie sa propre géopolitique, que se passe-t-il à Chypre, île oubliée de l’actualité ? Interview de José Manuel Lamarque avec la journaliste chypriote Evagoras Mavrommatis.

Personne ne parle de la question chypriote ?

Evagoras Mavrommatis : Personne n’en parle, en effet. Des mesures ont été prises contre la Russie qui occupe un pays étranger, mais rien contre la Turquie qui occupe depuis 1974, les 40% de la superficie de Chypre. Chypre, comme vous le savez, fait partie de l’Union européenne, toute l’île, et la partie occupée n’est pas reconnue. Mais l’acquis communautaire est suspendu jusqu’au moment où l’on trouvera une solution. A noter que c’est un des territoires les plus militarisés au monde, puisque la Turquie y déploie 45.000 soldats.

Combien y a-t-il de Chypriotes grecs ?

EM : À peine 750.000. Je vous fais remarquer que les Chypriotes turcs n’étaient pas dans la partie occupée. C’est après l’invasion des Turcs que les Anglais les ont envoyés de l’autre côté. Il n’y a jamais eu de problème jusqu’en 1974 avec les Chypriotes turcs. Aujourd’hui, beaucoup ont quitté l’île, ils sont partis en Australie, en Angleterre, il y a très peu de Chypriotes turcs, mais il y a 350.000 colons turcs.

D’où viennent ces Turcs ?

EM : D’Anatolie, dès l’invasion en 1974. Des victimes du séisme turques ont également déplacé vers Chypre, le mois dernier. Les autorités turques veulent faire de la partie occupée de Chypre une province turque, et de là, occuper tout Chypre. Si la Turquie occupe tout Chypre, c’est le reste des îles de la mer Égée qui est en danger.

Pourtant, dans la partie chypriote grecque, la République de Chypre, se trouvent deux bases militaires anglaises souveraines. Comment est-ce possible ?

EM : En 1878, la Turquie a vendu Chypre aux Anglais, c’est devenu un protectorat, alors on faisait partie de la couronne. En janvier 1956, il y avait un référendum qui a été organisé par l’église pour le rattachement de Chypre à la Grèce. Même les Chypriotes turcs ont voté pour le rattachement de Chypre à la Grèce. Les Anglais, n’ont jamais accepté. Il n’y avait aucune solution politique ou diplomatique. La lutte pour l’indépendance s’est engagée en 1955, elle a duré cinq années contre les Anglais. Il faut connaître quand même le comportement des Anglais. Ils ont exécuté un enfant de 7 ans, tué d’une balle dans la tête et ils ont demandé à son père de l’enterrer la nuit pour que le peuple ne se soulève pas. Le père a refusé, et on ne savait où les Anglais l’avaient enterré. Et tenez-vous bien, il y a peu, grâce à l’ADN, on a retrouvé son corps et des funérailles ont eu lieu.

Y a-t-il eu d’autres exactions ?

EM : Ils ont torturé, ils ont exécuté des femmes, ils ont fait des camps de concentration. Mais tout cela n’est pas connu. Il y a des familles qui demandent des dommages et intérêts. Ça ne s’est pas arrêté avec l’indépendance, parce que les bases militaires anglaises sont toujours souveraines dans la République de Chypre.

Qui soutient la République de Chypre, aujourd’hui, hormis la Grèce bien entendu ?

EM : Nous espérons un accord de coopération militaire. La France est très impliquée dans la région, mais bon, vous savez, je pense qu’après l’Ukraine, c’est le Moyen-Orient qui va s’enflammer. Dans la région, les intérêts politiques, géopolitiques, économiques sont très importants.

Evagoras Mavrommatis, merci pour cet entretien !

Cette interview a été diffusée sur france:info le samedi, 1er Avril et vous pouvez la réécouter dans son intégralité sous CE LIEN !

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