La Turquie donne des leçons

Plusieurs ministres turcs ont été empêchés ces derniers jours d'intervenir lors de manifestations de propagande pro-Erdogan en Allemagne – Ankara est en colère.

Pour l'heure, les membres du gouvernement turc et Recep Tayyip Erdogan peuvent oublier leurs interventions en Allemagne. Et ailleurs. Foto: phatter from Deutschland / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – « L’Allemagne », se lamente le dictateur-président turc Recep Tayyip Erdogan, « est un pays fasciste ». Oh. « Un pays, qui viole la liberté d’expression et qui a besoin d’apprendre la démocratie ». Ah. Venant de la part d’un expert en matière de la liberté et de la démocratie, ses déclarations frôlent le ridicule. Le ministre de l’intérieur du Bade-Wurtemberg Thomas Strobl (CDU) a raison, en répondant : « L’Allemagne n’est pas une province turque dirigée depuis Ankara ». Le ton monte entre la Turquie et l’Allemagne…

Selon les estimations, 3 à 3,5 millions de Turcs vivent en Allemagne, ce qui constitue un nombre important en vue du référendum turc sur le « Ermächtigungsgesetz », cette modification de la Constitution turque qui vise à donner un pouvoir quasi illimité à Erdogan. Surtout dans la mesure où ce référendum est loin d’être gagné. Donc, Recep Tayyip Erdogan avait la bonne idée d’envoyer ses ministres en Allemagne pour y faire de la propagande en faveur de ce changement de constitution qui scellerait le sort de la Turquie en tant qu’état totalitaire. Et, Erdogan voulait venir personnellement fin mars en Allemagne pour intervenir à un grand meeting.

Après l’annullation fin de la semaine dernière d’une manifestation de propagande avec le ministre de la justice turc Bekir Bozdag à Gaggenau en Pays de Bade, le ministre de l’économie turc Nihat Zeybekci ne pouvait pas, à son tour, intervenir à Frechen près de Cologne – et Ankara est en colère.

Est-ce que le président-dictateur turc a été mal conseillé par ses proches ? Est-ce que personne ne lui a dit que l’arrestation du journaliste germano-turc Deniz Yücel (qu’Erdogan a désigné comme « espion allemand »), a été aussi mal vécue en Allemagne que celle de dizaines de milliers d’opposants, journalistes, artistes, intellectuels ?

Le fait que la Turquie se comporte maintenant en victime en donnant des leçons concernant « la liberté », pourrait presque faire sourire. Bien plus de 100 médias critiques ont été fermés en Turquie après le « putsch » dont de nombreux observateurs estiment qu’il a été orchestré par les hommes de main d’Erdogan. Aujourd’hui, toute conviction autre que celle d’Erdogan, conduit tout droit à la prison en Turquie où de dizaines de milliers de personnes moisissent pour avoir osé exprimer une opinion différente de celle du président-dictateur. Et l’Allemagne a raison de refuser à ce que la Turquie exporte son crédo d’état et sa propagande vers l’Europe.

Se faire désigner de « fasciste » par Erdogan, cela constitue presque un adoubement pour l’Allemagne. Le président-dictateur Erdogan est en train de fermer définitivement la porte vers l’Europe et sa menace d’annuller l’accord honteux concernant les réfugiés syriens, ne fait que souligner que cet homme n’est plus fréquentable. Erdogan, avec sa politique totalitaire et brutale, a mis la Turquie hors jeu. Les grands perdants de cette folie, sont les citoyens et citoyennes turcs qui subissent maintenant l’effondrement du tourisme et qui subiront d’autres mesures en conséquence de cet isolement et de ces violations systématiques des Droits de l’Homme. Les Pays-Bas, par l’intermédiaire du Premier Ministre Mark Rutte, a suivi l’exemple allemand en interdisant également des manifestations de propagande turque. Et il faut espérer que la ville de Strasbourg ne commettra pas une nouvelle fois l’erreur de proposer à Erdogan de l’accueillir – cela s’est déjà produit dans le passé et les responsables de la ville ne peuvent pas permettre une nouvelle fois que la capitale européenne serve comme plate-forme pour une propagande totalitaire. Erdogan et son régime, on ne peut pas les stopper en Turquie. Mais on peut empêcher à ce qu’ils viennent faire de la propagande pour un système totalitaire chez nous. Au moins ça.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste