Et la gauche européenne ?

« Si on continue à se faire de la concurrence, à la fin, ce seront les Chinois qui gagneront... » - Christine Revault-D'Allonnes-Bonnefoy (PS)

Des accomplissements, des perspectives - Christine Revault-D'Allonnes-Bonnefoy. Foto: privée

(KL) – A moins de 100 jours de l’élection européenne, les sondages ne pronostiquent rien de bon pour la gauche européenne. Pourtant, les nombreuses critiques devraient s’adresser au Conseil Européen et à la Commission Européenne plutôt qu’au Parlement Européen. Il est important de marquer cette différence. Interview avec Christine Revault-D’Allonnes-Bonnefoy, cheffe de la délégation française des élus socialistes au Parlement Européen.

Christine Revault-D’Allonnes-Bonnefoy, quel est votre bilan de cette mandature qui va s’achever bientôt ? Quels sont les principaux accomplissements de la gauche européenne ?

Christine Revault-D’Allonnes-Bonnefoy : Mon premier point, ce sont les progrès que nous avons pu initier au Parlement Européen concernant l’égalité hommes-femmes. Il fallait casser cette image de la femme qui s’occupe seule des enfants, et on a déclenché un changement de mœurs, car désormais, dans le domaine des congés parentaux, les pères ont exactement les mêmes droits que les mères. Il s’agit là d’un changement sociétal porté par les élus, mais aussi les syndicats et la société civile. Mon deuxième point est la protection des consommateurs européens, en particulier dans le contexte du « dieselgate » de Volkswagen et d’autres. Non seulement nous avons décidé des normes d’émissions plus strictes, mais nous avons également créé la possibilité pour les consommateurs européens de se faire dédommager comme les clients américains, car désormais, les procédures groupées sont également possibles pour les citoyens et citoyennes européens. C’est par des actions aussi concrètes que nous pourrons restaurer la confiance entre les citoyens et la politique.

Comment cela ?

CRDB : Par les nouvelles normes d’émission, nous contribuons à la baisse des émissions CO2 et donc, à une amélioration au niveau climatique. Mais nous ne nous arrêtons pas là. Nous allons également accompagner la reconversion professionnelle qui sera déclenchée par le changement des moteurs à combustion vers d’autres types de voitures à hydrogène ou électriques. Cette transition énergétique engendrera également une transition sociale qu’il convient d’accompagner et de soutenir ; et c’est exactement ce que nous allons faire. Notre ambition est que l’Europe reste à la pointe des innovations technologiques, et nous avons passé tous les textes s’y référant en revue.

Et il paraît que vous n’avez pas fait de cadeaux aux anciens responsables politiques…

CRDB : En effet, nous avons mis en place une commission d’enquête qui a auditionné les anciens commissaires, des experts et d’autres responsables, et nous avons ensuite analysé tous les textes de loi qui ont un rapport avec la question de l’automobile, les émissions et la dimension sociale de ce dossier. La mise en œuvre d’une telle commission au niveau du Parlement Européen est un événement rarissime et nous avons atteint de vrais résultats.

Qui sont ?

CRDB : D’une part, nous avons pu établir que de nombreux constructeurs automobiles n’ont pas respecté la législation en vigueur, nous avons pu baisser les valeurs limites pour les émissions de CO2, nous avons fait en sorte que les consommateurs lésés puissent être récompensés.

Comment se passe la coopération avec les autres partis de gauche au Parlement Européen ?

CRDB : Cela dépend beaucoup des sujets. L’histoire du socialisme n’est pas la même dans tous les pays européens, les pays de l’Est européen ayant subi un socialisme d’Etat vécu comme un joug. Leur intérêt se porte plutôt vers les libertés : celles d’entreprendre, de voyager, de s’installer dans un autre pays. Malgré ces différences, on s’entend très bien et on trouve des positions communes sur les sujets comme les Droits des Femmes ou le commerce international. Nous travaillons ensemble sur un grand sujet, qui est la question : « Comment passer du libre échange vers un juste échange ? », nous avons des positions partagées sur des questions concernant l’environnement. C’est important, car après les discussions autour du « Brexit », nous voyons l’extrême-droite s’approcher. Nous proposons tout à fait autre chose que les néo-nationalistes, à savoir une révolution sociale.

Quels sont vos 3 axes principaux pour la campagne européenne ?

CRDB : Un : la social-écologie. Il faut tenir compte dans cette transition énergétique des enjeux sociaux qui l’accompagneront. Nous avons changé notre logiciel et dans tous les projets, nous accordons la même importance à la dimension écologique et la dimension sociale. Deux : L’Europe-puissance. Il faut que l’Europe s’affirme, ils faut que nous soyons plus sûrs de nous. L’Europe compte 500 millions de citoyens, les Etats-Unis 300 millions. Il n’y a donc aucune raison de faire profil bas, mais il faut au contraire mettre en œuvre des « champions européens ».

Comme cela aurait pu être le cas avec une fusion Alstom-Siemens…

CRDB : Oui, absolument. Si la commissaire a respecté les textes en vigueur, l’interdiction de cette fusion profite à d’autres. Si on continue à se faire de la concurrence entre nous, au lieu de créer des champions européens, ce seront les Chinois qui gagneront. Et le troisième point : les valeurs et les droits fondamentaux. Nous devons être plus exigeants vis-à-vis des pays européens qui ne respectent pas les droits fondamentaux. Dans certains pays, l’avortement constitue toujours un délit, dans d’autres pays, la justice se trouve sous l’influence de la politique et n’est donc pas indépendante. Il faut que nous puissions imposer à nos partenaires le respect de ces droits fondamentaux et affronter ces problèmes de manière solidaire. Et sur ce combat, toute la gauche européenne peut se trouver et mener ces combats ensemble !

Merci beaucoup pour cet entretien !

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