La gueule de bois…

Les partisans du Brexit viennent de passer un week-end de fête. Ce matin, ils se réveillent et le cauchemar britannique commence pour de bon.

Bon nombre de Britanniques se réveillent comme ça ce matin... Foto: Christian Krogh / skagenskunstmuseer.dk / Wikimedia Commons / PD

(KL) – Non, ce n’était pas une catastrophe naturelle, ce Brexit. Même si tout le monde l’a vu arriver sans prendre la moindre mesure pour l’empêcher. Le Brexit, c’est le résultat d’une vague de néo-nationalisme britannique, complété par l’incompétence des responsables européens d’agir et de se remettre en question. Pour que les Britanniques se réveillent ce matin avec la gueule de bois, il fallait que tout le monde pêche depuis trois ans et demi. Et si nous n’apprenons pas la leçon du Brexit, d’autres vont suivre sur les traces britanniques. Malgré les belles paroles qui fusent partout, l’Union Européenne n’a jamais été aussi menacée dans ses fondements.

Nous avons tous suivi ces débats interminables au Parlement britannique, nous avons tous vu des responsables politiques comme Cameron, May, Corbyn, Farage ou Johnson, pour ne citer qu’eux, à l’œuvre. Et nous autres Européens, qu’avons-nous fait ?

Pendant ces trois ans et demi, nous étions nombreux à inviter les responsables européens à s’activer, à mener des campagnes d’information et de charme en Grande Bretagne, à y aller et prouver que les partisans du Brexit mentaient, manipulaient, invalidaient la démocratie. Résultat : zéro. L’Union Européenne n’a pas soutenu le mouvement anti-Brexit en Grande Bretagne qui pourtant, était très fort et qui aurait eu besoin de notre soutien. Les capitales européennes où les responsables ont publié des commentaires larmoyants le jour du Brexit ont-elles mené des actions en Grande Bretagne ? Par exemple avec leurs villes jumelées ? Partout au Royaume Uni ? Ceux qui publient actuellement ces commentaires attristés n’ont rien fait en réalité pour empêcher cette perte de cohésion européenne.

Bien sûr, pour nous rassurer nous-même, nous nous disons que les Britanniques n’ont jamais vraiment fait partie de l’Europe, qu’ils avaient toujours un statut particulier, que la « Perfide Albion » était comme un corps étranger dans l’Union. Foutaises ! Les Britanniques sont des Européens à part entière ; sans le concours des Britanniques, l’Europe entière parlerait aujourd’hui l’allemand, et il y en a qui disent que la Grande Bretagne n’a jamais réellement fait partie de l’Europe ?! (rem en passant : sans les USA aussi, et bien davantage encore…)

Le lendemain du référendum truqué en 2016, toute la classe politique s’est montrée choquée en promettant immédiatement le développement d’un « nouveau projet européen », comprendre : une réforme profonde du fonctionnement des institutions européenne et de son orientation. Personne ne s’y est attelé, personne n’a estimé nécessaire de profiter de cette situation pour se demander comment moderniser l’Europe institutionnelle pour que celle-ci corresponde aux réalités du 21e siècle.

La Grande Bretagne n’est pas le seul pays européen en proie à cette vague néo-nationaliste. Dans d’autres pays, on demande aussi la sortie de l’Union Européenne pour masquer son incapacité à résoudre ses problèmes internes – l’UE a bon dos… Et cela nous mènera où ? Où et quand le nationalisme aurait-il amélioré les conditions de vie des gens ? Où et quand le nationalisme aurait-il assuré la paix ? Où est quand les conséquences du nationalisme n’auraient-elles pas frappé les plus démunis ?

Nous avons raté une première occasion de repenser l’Europe. Il n’y en aura plus beaucoup. L’Europe doit se reformer depuis l’intérieur, si elle ne veut pas être abolie depuis l’extérieur : c’est aujourd’hui qu’il faut commencer à inventer une nouvelle Europe, une Europe fédérale, humaniste, sociale et écologique. L’Europe doit être plus qu’un terrain de jeu pour les lobbyistes du Big Business, des banques, des constructeurs d’automobiles, des fabricants d’armes.

Il sera essentiel dans l’analyse non seulement d’examiner comment les populistes-manipulateurs britanniques ont réussi à berner leur population, mais aussi de se poser la question du rôle de l’Europe institutionnalisée dans tout ce drame du Brexit. Nous aussi, nous n’avons rien fait d’autre que d’administrer ce désastre.

Nous voulons l’Europe, mais nous voulons une autre Europe. Et si les institutions n’entendent pas cet appel, si elles continuent malgré le Brexit de faire semblant que tout va pour le mieux dans la meilleure des Europes, alors, l’Union se condamnera elle-même. Le Brexit nous amène au carrefour où l’avenir de l’Union Européenne se décidera. Soit l’Europe prendra enfin ce virage et se réinventera, soit elle sera le témoin de sa propre désintégration. Comme le Royaume Uni.

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