Metz : le conseil des ministres franco-allemand valide la coopération transfrontalière

Notre éditorialiste Alain Howiller revient sur les résultats du Conseil des ministres franco-allemand qui a eu lieu la semaine dernière à Metz.

Harmonie affichée à Metz - mais la coopération franco-allemande doit encore progresser à presque tous les niveaux... Foto: Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – On n’attendait pas de décision fracassante lors du Conseil des Ministres franco-allemand de Metz et le compte rendu de la rencontre du 7 Avril n’a pas fait la «Une» des médias. Et on a quelques difficultés à partager ce sentiment d’Angela Merkel affirmant lors de la conférence de presse qui a suivi le conseil : «Nous avons beaucoup plus de projets en commun qu’il y a un an». Malgré les contacts bi-latéraux entre ministres qui émaillèrent la rencontre de Metz, on avait l’impression que aussi bien François Hollande que la chancelière allemande avaient un peu la tête ailleurs : dans les arcanes d’une politique intérieure qui prépare, lentement mais sûrement, les… échéances électorales de l’année prochaine !

C’est dire que la crise des réfugiés dont l’approche divise -contrairement à ce qu’on a voulu faire croire à Metz- les dirigeants français et allemands. Et ce n’est pas l’annonce de la création d’un «conseil franco-allemand de l’intégration» (!?) qui fera oublier ce propos de la chancelière répondant aux critiques du Premier Ministre français : «Les mots un peu difficiles ou des critiques ont plutôt tendance à me stimuler plutôt qu’à me mettre en colère !» A bon entendeur, salut !

Cela étant la déclaration finale de la rencontre de Metz, répondant en quelque sorte à la lettre que Philippe Richert, Président de la région du «Grand Est» et son Premier Vice-Président Patrick Weiten (euroiournalist.eu du 30 Mars) avaient envoyé à François Hollande, a rappelé les principes qui régissent la coopération transfrontalière.

Un succès et des doutes ! – Selon le texte publié à l’issue du Conseil des Ministres, la coopération transfrontalière «est un succès remarquable des relations franco-allemandes et un véritable laboratoire de la construction européenne. La vitalité de nos relations transfrontalières est une source d’opportunités en matière de formation, d’emploi, de mobilité ou d’intégration sociale». Avis à ceux qui -fréquentant de longue date les aléas du transfrontalier- émettent parfois des doutes : notamment ceux qui, depuis des années, plaident pour une coopération -voire une fusion- entre la «Conférence du Rhin Supérieur», organe des états, et le «Conseil Rhénan», créé en parallèle par les élus !

Il n’en demeure pas moins que le Conseil des Ministres messin, «conscient que beaucoup reste à faire» (!) se félicite des efforts déployés en matière d’intégration des marchés du travail et de la formation professionnelle : notamment les résultats obtenus (plus de 800 emplois déjà créés) par l’agence pour l’emploi franco-allemand de Kehl, le développement des filières professionnelles franco-allemandes (entre la Sarre et la Lorraine, entre la Bourgogne et le Bade-Wurtemberg, entre l’Académie de Strasbourg et le Bade-Wurtemberg). Il insiste sur la coopération qui s’est instaurée, par delà les frontières, entre les entreprises, qui s’est développée avec le nouveau réseau de technologie écologique de la «Grande Région», qui se sont intensifiées entre les 5 pôles de compétitivité présentes en Alsace et en Lorraine (Fibres Energivie, Alsace Biovalley, Matéralia, Hydréos, Véhicule du Future).

Et si, pour une fois, on entrait dans le concret ? – Saluant les efforts déjà déployés en matière d’enseignement de la langue du voisin, le conseil souhaite un renforcement à travers le réseau d’écoles bilingues, d’offres de diplômes communs, la mise en réseau d’écoles maternelles, l’échange d’enseignants, notamment au moment de leur formation (projet en Alsace et Bade-Wurtemberg, entre Sarre et Lorraine). Reste à souhaiter que ces idées ne resteront pas au niveau des voeux pieux et que, comme l’écrivaient Ph. Richert et P. Weiten «les services des deux états s’engagent dans le concret et ne se contentent pas de communiqués flamboyants… vides de réalisations concrètes » !

Cela vaut, aussi, pour la coopération universitaire, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation auxquels la déclaration du conseil a consacré également un chapitre évoquant les efforts à poursuivre pour l’Université franco-allemande de Sarrebruck, pour le «Campus Européen» entre les Universités de Fribourg, Karlsruhe, Strasbourg, Mulhouse et Bâle, regroupées dans un «Groupement Européen de Coopération Territoriale – GECT». Et le communiqué de citer aussi les soutiens à «l’Offensive Sciences» (fonds commun en faveur des projets transfrontaliers du Rhin Supérieur) et la coopération en matière de «cyber-sécurité» autour de Nancy et Sarrebruck («Cyber Security European Research Institut»).

Des transports à l’intégration sociale. – Abordant les problèmes de transport (créations de recharges pour véhicules électriques, infrastructures pédestres/cyclistes entre les deux pays, promotion des taxis transfrontaliers, meilleures connections entre systèmes d’information en matière de transports transfrontaliers), le Conseil des Ministres franco-allemand salue la mise en service -en 2017- du tramway Strasbourg-Kehl. Il se fixe comme objectifs la création d’un permis de conduite commun (y compris examen reconnu de part et d’autre, reconnaissance de la conduite accompagnée), une harmonisation des tarifs pour les jeunes utilisateurs des transports, la circulation d’un tram-train «Saarbahn» et la création de lignes de bus entre la Sarre et la Moselle, entre le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et l’Alsace.

Pour finir, la Déclaration finale de Metz évoque la coopération en matière d’énergie et
d’environnement (mise en oeuvre rapide de la «Cop 21», mais… rien sur Fessenheim !). Elle plaide en faveur d’intégration sociale (Ecole franco-allemande de la Deuxième chance de Völkingen-Forbach, service civique commun des jeunes), de solidarité de sport et de culture(Pass-Musée pour 300 musées, coopération en matière de cinéma et d’audiovisuel, création envisagée d’olympiades transfrontalières) sans oublier une coopération (assez vague) sanitaire visant à optimiser les soins dans les zones frontalières (offres de soins, axes de coopération hospitalière fondée sur la complémentarité et non sur la concurrence, mise en place d’une «zone intégrée pour la coopération sanitaire» entre la Sarre et la Lorraine et la coopération dans le domaine de la police (brigades cyclistes communes, brigade fluviale franco-allemande, emploi transfrontalier des «aéronefs de police»).

Quand le moteur franco-allemand s’enraye ! – Comme on le voit, la déclaration finale en matière de coopération transfrontalière est -apparemment- impressionnante : à telle enseigne qu’on peut se demander quelle est la part de la réalité, des intentions assumées, des voeux pieux et de la communication maîtrisée !

Il reste qu’il n’est pas indifférent qu’on rappelle un certain nombre de principes. Même si ceux-ci ne sauraient suffire si ils ne sont pas sous-tendus par une volonté de coopération qui n’a pas toujours semblée évidente ces derniers mois !

Alors qu’il n’était encore «que» Premier Ministre du Luxembourg, Jean-Claude Junker avait déclaré un jour : «Tout le monde se plaint du moteur franco-allemand, il n’en demeure pas moins que, lorsque ce moteur s’enraye, rien ne bouge plus dans l’Union Européenne. «Jamais l’Union n’a été aussi menacée et le moteur franco-allemand, malgré des apparences et des affichages qui relèvent trop de la diversion, n’a semblé, hélas, aussi fragile.

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