Niederschaeffolsheim. La vie. La vraie. (5)

Actuellement en tournée européenne, le groupe Ndima des Pygmées Aka s’est arrêté à Niederschaeffolsheim.

Il ne s’agissait pas juste de regarder et d’écouter, mais aussi de faire avec, car c’est ainsi que se pratique l’interculturalité. Foto: Mairie de Niederschaeffolsheim

(Jean-Marc Claus) – Le week-end dernier, Angélique Manongo, Émilie Koulé, Nadège Ndzabole, Michel Kossi, Gaston Motambo ont investi la place de la Mairie de Niederschaeffolsheim pour offrir un spectacle de danse pygmée aux habitants du village et des environs. Ils ont dansé pour et avec le public, car dans l’esprit de l’ethnologue Sorel Eta, qui est aussi leur manager, c’est en additionnant nos efforts et en partageant nos savoirs que nous aurons une chance de sauver l’humanité.

Sauver l’humanité, en commençant par sauver la culture des Pygmées. Une mission que s’est donné Sorel Eta, ce Bantou confronté à eux, alors qu’à l’âge de 22 ans, il s’était engagé pour diriger un chantier d’abattage d’arbres dans leur forêt. Lui, qui fait partie de l’ethnie dominante en République du Congo, avait aussi hérité des clichés donnant les Pygmées pour des citoyens de seconde zone, mais sa formation littéraire l’ayant conduit à faire sienne la philosophie existentialiste, il ne pouvait accepter de tels stéréotypes.

Voilà maintenant 27 ans qu’il non seulement côtoie, mais surtout vit avec ce peuple de la forêt, recueille et diffuse ses savoirs afin de contribuer activement à leur préservation. Une entreprise de grande ampleur qui l’a conduit a former un groupe avec lequel il sillonne le monde pour faire connaître notamment le chant polyphonique contrapuntique pygmée, qui entre autres particularités, inclut le yodel, à l’instar des Tyroliens en Europe, mais aussi des Bushmen d’Afrique Australe. Chants et danses qui font partie d’un savoir appartenant à des analphabètes dépositaires d’une culture d’une richesse phénoménale.

C’est justement là que le bât blesse, car comme le souligne Sorel Eta, on juge les autres selon notre culture. Or, la culture dominante au Congo vient des ex-colonisateurs, que les Bantous imitent et tendent à imposer aux Pygmées. Imposer partiellement, d’où les prénoms européens des cinq membres de la troupe, mais sans leur donner les moyens de leur émancipation afin de les maintenir dans une servitude sur laquelle repose aussi le modèle économique du pays.

Parallèlement à la destruction de la forêt primaire, qui est l’université, le garde-manger et la pharmacie des Pygmées, leur acculturation et la scolarisation de leurs enfants sur le modèle occidental, constituent les plus grands périls auxquels ils sont exposés. Ainsi, grâce à la puissance de l’Internet, en faisant connaître la culture pygmées de par le monde, Sorel Eta parvient à initier des changements dans les esprits de ses concitoyens congolais. L’ethnocentrisme des Bantous se fissure quand ils voient combien les Pygmées sont bien accueillis et particulièrement respectés sur d’autres continents.

Sur la toile, ils ne sont pas des citoyens de seconde zone, mais les dépositaires d’une culture millénaire et de connaissances relatives à la nature susceptibles de nous être à tous d’un grand bénéfice, notamment en matière de pharmacopée et d’écologie. C’est pourquoi Sorel Eta a écrit un livre intitulé « L’université de la forêt », dont nous nous ferons encore l’écho ici, et qu’il invite chacun à être fier de son identité, tout en restant ouvert à celles des autres, soit l’inverse du repli identitaire ou de l’uniformisation culturelle.

La tournée européenne du groupe Ndima des Pygmées Aka se poursuit en Alsace à Mulhouse, Turckheim et Orbey avant de partir pour la Pologne et ensuite se poursuivre à Toulouse, Langon pour « Les nuits atypiques », Airvault pour « Le rêve de l’aborigène », Annecy, Paris et se terminer en Italie.

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