Plein écran : Master Class avec Frederick Wiseman

Esther Heboyan a participé pour vous à un moment fort dans le cadre du Festival de Cannes : une « Master Class » avec un grand documentariste américain – Frederick Wiseman !

Festival de Cannes - une Master Class avec le documentariste Frederick Wiseman. Foto: Esther Heboyan / CC-BY-SA 4.0int

(Esther Heboyan) – Le Festival de Cannes procure des moments rares, des Master Class avec des cinéastes de renommée. Le 7 juillet, le Théâtre de la Croisette/Palais Stéphanie accueillait le documentariste américain Frederick Wiseman qui s’est livré à l’exercice avec verve et humour, s’exprimant dans un français quasi impeccable.

Le Master Class ayant lieu après la projection de Monrovia, Indiana (2018), les premières réflexions de Wiseman portent sur son documentaire dont le tournage s’est déroulé sur dix semaines dans la petite ville de Monrovia où il a débarqué avec son équipe à la suite d’un échange avec une connaissance à Boston.

Des 150 heures de tournage, il reste 2h40 de film. Comme à son habitude, le réalisateur n’avait conçu aucune mise en scène. Tout est le résultat du hasard. Wiseman n’avait aucune idée du film jusqu’à un stade avancé du montage qu’il a lui-même effectué. Chaque film est une prise de risque, insiste-t-il. C’est comme jouer à la roulette en espérant gagner.

Monrovia, Indiana offre de splendides plans fixes des paysages du Midwest. Si le ciel est joli, Wiseman prend le temps de filmer, sans savoir comment il va utiliser l’image. Il sait juste qu’il aura besoin de plans de transitions qui vont donner le rythme externe du film. Il sait qu’il faut insérer des moments calmes entre des scènes longues ou entre des scènes émotionnelles. Pour le son, Wiseman enregistre des sons bruts en direct (oiseaux, chiens, insectes, animaux de la ferme, le vent, les véhicules) qu’il retravaille au mixage. Le mixage l’occupe 8h par jour pendant 8 jours.

Wiseman dit aussi qu’il n’a jamais de difficulté à filmer des anonymes. Dans la petite bourgade de Monrovia, personne n’a refusé d’être filmé. Par expérience, il sait que les gens aiment être filmés. Il nous présente des réunions publiques à la mairie, à l’église, dans une loge de francs-maçons, dans une salle de vente d’équipements agricoles aux enchères. Il filme trois compères qui discutent de la vie et de la mort dans un café, un homme qui raconte des anecdotes de son passé lors d’une fête de village.

Une très longue carrière après des études de droit qui n’ont apparemment eu aucune influence sur son œuvre artistique. Un très grand intérêt pour la littérature, le ballet. Une cinquantaine de films que Wiseman est en train de restaurer. Quelques extraits sont projetés que le cinéaste commentera.

Frederick Wiseman. Foto: Esther Heboyan / CC-BY-SA 4.0int

Frederick Wiseman. Foto: Esther Heboyan / CC-BY-SA 4.0int

Blind (1964) nous amène dans une école pour enfants handicapés en Alabama. La caméra suit le petit Jason qui veut aller montrer une bonne note à une éducatrice. Il traverse des couloirs, descend des escaliers en tâtonnant murs et rampes de la main. L’extraction d’une tumeur a endommagé le nerf optique, Jason est dans l’obscurité à vie. La longue séquence démontre le courage de Jason ainsi que la philosophie de l’institution qui forme à l’autonomie. Et Wiseman d’ajouter qu’il aime tourner des séquences illustrant le littéral et l’abstrait.

Basic Training (1971) se passe à Fort Knox dans le Kentucky. Des soldats s’entraînent pour aller combattre au Vietnam. Ils marchent et chantent : « Mr. Nixon drop the bomb / I don’t want to go to Nam. » Pendant une semaine, nuit et jour, ces très jeunes hommes sont soumis à un régime sévère pour apprendre l’art du camouflage, gestes et mouvements ainsi que les tactiques du combat. Stanley Kubrick demanda à visionner une copie du film. Wiseman dit que Kubrick s’en inspira pour Full Metal Jacket (1987).

Welfare (1975) est situé dans un centre d’aide sociale à New York. Un homme est venu réclamer de l’argent pour manger et payer son loyer. Il vient de voler du chocolat. Il est au bout du rouleau. Il attend, tourne en rond, s’assoit pour continuer à attendre tout en répétant que Godot ne viendra pas. Il a passé 8 mois dans un hôpital. Il fait partie des gens incapables de travailler, se nourrir, se loger. Que faire ? demande Wiseman. Quelle est l’obligation de l’État ? Comment utiliser la recette des impôts ?

Wiseman a affiné l’art du documentaire en s’intéressant à divers sujets. Son génie est dans son humanité et dans cette écriture qui incite les spectateurs à réfléchir au-delà du local pour rejoindre l’universel. La Société des Réalisateurs de Films vient de lui attribuer le Carrosse d’Or 2021.

1 Kommentar zu Plein écran : Master Class avec Frederick Wiseman

  1. Frederick Wiseman is a geniu, this documentary about the OPERA of Paris is wonderfull probably not is best work but very beautifull anyway Questo documentario e indicato a tutti gli appassionati di Wiseman. Come sempre, il regista riesce a farci entrare (in questo caso letteralmente) in punta di piedi dentro un microcosmo altrimenti impenetrabile: l’Opera di Parigi.

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