Spécial Cannes : La femme de Tchaïkovski

Notre envoyée spéciale à Cannes Esther Heboyan a vu pour vous, le film "La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov – une histoire de désir et de détresse

Une histoire d'amour pas vraiment joyeuse... Foto: Hype Film / FDC

(Cannes, Esther Heboyan) – La femme de Tchaïkovski relate l’amour malheureux qu’éprouva Antonina Miliukova pour le compositeur Piotr Tchaïkovski qui préférait les hommes aux femmes. Le mariage, une fois contracté, l’épouse amoureuse fut vite écartée et sombra dans une solitude à la frontière de la démence. Le réalisateur russe Kirill Serebrennikov brosse ici un portrait de femme victime des conventions sociales dans la Russie du XIXème siècle (par exemple, la femme éduquée, sensible, est une dot, rien de plus), mais aussi de sa propre passion mêlée de mysticisme.

L’histoire de l’amour fou qui ne trouve pas de répondant est une histoire universelle. Chez Serebrennikov, les tableaux sombres se succèdent. Chaque épisode est minutieusement mis en scène, visuellement évocateur des peintures d’Ilya Repine en intérieurs comme en extérieurs. Pour Antonina, fervente admiratrice du génie romantique de Tchaïkovski, l’espoir d’être aimée s’étiole et s’épuise. C’est un rôle qui va à merveille à Alyona Mikhailova, 31 ans, qui a ses chances pour le prix d’interprétation. Dans le rôle d’un Tchaïkovski indifférent, irritable jusqu’à la cruauté, Odin Biron lui donne intelligemment la réplique.

Le film commence par les funérailles du compositeur où la veuve n’est pas bienvenue. Peu après, un long flashback narre la rencontre, les tentatives de séduction, la cérémonie de mariage, l’intrusion des proches de Tchaïkovski, la demande en divorce maintes fois rejetée par Antonina, l’initiation au sexe dans un contexte étrange, le glissement vers la non-réalité.

Si l’héroïne s’obstine dans sa passion, les spectateurs, eux, ne croient jamais à une évolution heureuse. Les portes restent closes ou bien se referment brutalement. Les plongées sur la protagoniste créent le malaise. Et les nombreux miroirs dédoublent et fragilisent sa présence.

Serebrennikov filme le désir et la détresse d’Antonina avec un réalisme hardi, pour ne pas dire oppressant, comme un passage de Bunuel à Bergman. Seul le tableau final va procurer une échappée : l’imagination – ou est-ce la divagation ? – simule une séance de photographie dans un paysage de neige.

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