Spécial Cannes : Les Crimes du Futur de David Cronenberg

Esther Heboyan a vu pour vous, « Les Crimes du Futur » de David Cronenberg... au cœur des ténèbres

David Cronenberg - des films pas toujours faciles à regarder... Foto: AFP / V. Hache / FDC

EJ CANNES 2022 klein(Cannes, Esther Heboyan) – Le réalisateur canadien David Cronenberg, 79 ans, revient à Cannes avec un film de science-fiction, Les Crimes du Futur qui réunit Viggo Mortensen, Léa Seydoux et Kirsten Stewart. Cronenberg a construit sa réputation sur des thrillers nourris de fantastique et d’horreur (La Mouche, Crash, Eastern Promises, Spider, eXistenZ…). Voici donc une énième plongée dans son univers cliniquement dysphorique, moralement et politiquement inhumain/déshumanisé. Une plongée « au cœur des ténèbres », selon Caprice jouée par Léa Seydoux. Faut-il voir là une référence au roman de Joseph Conrad qui avait déjà mené l’humanité dans une impasse, servant d’échafaudage à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola ? Faut-il y voir le reflet de notre époque avide de progrès scientifiques, de manipulations génétiques, de transformations esthétiques, de performances artistiques, sans parler des guerres et génocides ainsi que des discours catastrophistes ?

Âmes sensibles s’abstenir, esprits curieux s’instruire. Dans des décors lugubres, quand la vie n’est que de synthèse, l’espèce humaine est en mutation. Des corps auto-génèrent des organes. Les actes chirurgicaux produisent des orgasmes. Un garçon de huit ans se délecte à croquer une poubelle plastique. Un danseur exhibe son corps greffé d’oreilles. Un bureau enregistre la poussée d’organes. Une brigade veille à exterminer les individus indésirables. Depuis bien longtemps, le cinéma a été le lieu des dystopies futuristes. On songe à Metropolis (1927) de Fritz Lang ou à La Planète des Singes (1968) de Franklin J. Schaffner. Depuis cinquante ans, le cinéma d’horreur de Cronenberg a filmé, fouillé l’âme et la chair jusqu’au point de non-retour. Répulsion pour les uns, du grand art pour les autres.

Le film serait inspiré d’un film muet de Cronenberg tourné en 1970. Ni une suite, ni un remake, précise le cinéaste. Plutôt une réflexion métaphysique sur la condition humaine qui invente et brasse ses cauchemars. L’ennemi s’est logé non seulement en nous, dans l’intimité de notre corps, dans l’évolution de notre biologie, mais aussi dans nos modèles de société qui basculent vers des systèmes pervers de surveillance et d’élimination. Forces occultes, diktats institutionnels, volontés individuelles, dynamiques créatrices cultivent l’idée d’un dépassement. Des artistes performers, craignant l’obsolescence, recherchent le renouvellement. Les Crimes du futur, un autre long-métrage sur le processus créatif, mais sous forme de happening cru qui se répète en direct.

À Cronenberg, la Palme d’or de l’imagination morbide.

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