Souveraineté et solidarité, un défi européen : « A livre ouvert ! »

Alain Howiller présente un livre qui parle d'une question brûlante : Souveraineté europénne ou nationale ?

Pendant que l'Europe doit gérer le nombrilisme de ses états-membre, le monde se réorganise. Foto: Bearas / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Alain Howiller) – Qui aurait cru, il n’y a pas si longtemps, que le débat sur la « souveraineté nationale » ferait à nouveau les grands titres de l’actualité ? Surtout après les élections présidentielles d’Avril/Mai 2017 où le candidat Emmanuel Macron avait réussi à insuffler à la campagne électorale une « European touch » qui devait trouver, deux ans plus tard, un écho singulier dans le résultat des élections européennes avec un taux record de participation !

Voilà donc de retour les revendications de souveraineté nationale, notion à laquelle l’Allemagne et la France semblaient adhérer fortement puisque, selon un sondage « Ipsos/Le Monde », paru récemment, 84% des Allemands et 70% des Français souhaitaient que la souveraineté de leur pays soit renforcée ! Selon le même sondage, 83% des Allemands et 66% des Français souhaitaient que la souveraineté européenne soit renforcée !

Le souverainisme entre rêve et cauchemar ! – On rêve ou plutôt on « cauchemarde », car enfin, deux notions, pour beaucoup véritables « objets non identifiés », se font face : faut-il choisir, comment et quoi choisir, alors que le débat s’envenime, à quelques mois des élections présidentielles françaises et à une poignée de semaines (peut-être de jours) de la présentation d’un nouveau gouvernement allemand ?

37 spécialistes de cinq nationalités, d’orientations politiques, de compétences différentes viennent de se retrouver dans un ouvrage collectif (1) qui vient à son heure et cette formule, qui pour certains paraîtra un peu éculée, ne relève pas de la politesse et dont je publie, ici, les extraits qui m’ont particulièrement interpellés ! Le titre déjà cerne le propos : « Souveraineté et Solidarité, un défi européen. » Dans la préface, Emmanuel Macron persiste et signe : « La nécessité de construire une souveraineté européenne », écrit-il, « est plus pressante encore aujourd’hui… Les auteurs du présent ouvrage nous aiguillent en éclaireurs sur la voie d’une Europe plus souveraine et plus solidaire… »

France : souveraineté nationale ou européenne ? – Voire, relève la note de présentation du livre : « Car si la souveraineté européenne ne peut être assimilée à la souveraineté nationale, puisque l’Union Européenne n’est pas un état, elle consolide en revanche, celle des Etats-membres en les faisant avancer dans le projet européen commun. » La confusion se relance-t-elle lorsque dans sa dernière intervention télévisée, Emmanuel Macron évoque l’autonomie de la France, la promotion d’une industrie souveraine, la lutte contre les nationalismes et la souveraineté européenne ?

Faut-il, dès lors, opposer souveraineté nationale et européenne ? Peut-il y avoir une souveraineté européenne qui traduirait, en quelque sorte, ce que Jacques Delors appelait une « Fédération d’Etats-Nations », concept auquel la philosophe Martine Meheut posait ce propos : « …(l’Europe)… ne sera pas non plus une organisation politique selon le modèle d’un état fédéral centralisé… » Faut-il (pour simplifier ou écarter le débat ?!) trouver une appellation originale (car les définitions proposées sont « inadéquates ») pour définir le type de liens créés par l’Union Européenne ?

L’Europe : otage ou spectatrice ? – Il est certain, souligne l’ambassadrice Sylvie Bermann, que « l’Europe ne peut être otage ou spectatrice de la rivalité Etats-Unis/Chine, au risque de finir hors jeu. » Insistant auprès des Etats sur le fait que souveraineté ne signifie pas automatiquement indépendance, l’économiste Alfredo Roma rappelle aux « souverainistes » : « En économie, la mondialisation des marchés a obligé les entreprises à disposer d’une masse critique élevée pour être compétitifs au niveau international. Il en va de même pour la politique… »

Dans le débat qui oppose « souverainistes nationaux » et partisans d’une « souveraineté européenne », même Michel Barnier qui, gérant le Brexit, semblait avoir défendu la deuxième notion face à la première incarnée par le nationaliste Boris Johnson, est « tombé » (volontairement) dans le piège-prétexte qui utilise la revendication d’un « droit national » face au « droit européen ». Alors pour conclure, je citerai Cyrille Schott, qui fut collaborateur de François Mitterrand et ancien Préfet du Haut-Rhin(2) : « Or, l’histoire enseigne », écrit-il dans l’ouvrage, « que la souveraineté, au delà de sa reconnaissance juridique, doit être portée par la puissance pour être réelle dans les relations internationales… Les Etats-membres, même les plus importants, comme la France, dotée de l’arme nucléaire, ou l’Allemagne, ne peuvent suppléer isolément à ce manque de puissance, la leur n’étant plus suffisante face à des Etats-continents comme la Chine, la Russie ou les Etats-Unis… »

« La souveraineté et la solidarité européennes restent un chantier ouvert », croit pouvoir conclure, prudent(!), l’espagnol Joseph Borrell Fontelles, Vice-Président de la Commission Européenne, dans une prudente postface.

Pourtant, comme le disait Emmanuel Macron dans son discours « pro-européen » de la Sorbonne (26 Septembre 2017) : « …La seule voie qui assure notre avenir, c’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique. » Cela ne veut-il pas dire qu’on a trouvé la serrure, reste à trouver la bonne clé pour ouvrir la porte ! « Souveraineté et Solidarité, un Défi Européen » apporte un éclairage pour la trouver. Une partie des auteurs, dont Cyrille Schott, sont prêts à en parler lors d’une conférence-débat qui aura lieu le 23 Novembre à 17H45 (Amphi E) à Sciences Po Strasbourg (7 Rue de l’Ecarlate, port du masque, présentation du pass sanitaire obligatoires).

(1) « Souveraineté et Solidarité, un Défi Européen », sous la direction de Nathalie de Kaniv et Patrick Bellouard ( Eurodéfense-France), Editions du Cerf, 348 pages, 24 euros.

(2) Voir eurojournalist.eu du 23.12.2020.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste