Thuringe : le centre politique s’essouffle…

Lors de l'élection régionale en Thuringe, la dégringolade des partis traditionnels continue, l'essor des Verts prend un coup et les extrêmes se voient renforcés.

Mike Mohring (au pupitre) n'avait aucune chance contre Bodo Ramelow (assis). Foto: CDU Thüringen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Pour commencer, la bonne nouvelle : 76,5% des électeurs et électrices dans le Land de Thuringe n’ont pas voté pour l’AfD. C’est « Die Linke » qui remporte cette élection avec 31,0% des votes, devant l’AfD (23,5%), la CDU (21,8%), le SPD (8,2%), les Verts (5,1%) et le FDP (5,0% – qui doit encore trembler au moment de la rédaction de cet article). On peut calculer comme on veut, il ne sera pas possible de former un nouveau gouvernement sans soit « Die Linke », soit l’AfD. Les conséquences de ce séisme politique dépasseront le seul Land de Thuringe.

Encore une fois, les deux anciens grands partis CDU (-11,7%) et le SPD (-4,2%) ont perdu plus de 15% ensemble, les Verts subissent une perte légère (-0,6%), tandis que l’AfD (+12,9%) double presque son score pour terminer deuxième parti en Thuringe ; le FDP (+2,5%) gagne également, et Die Linke (+2,8%), grand vainqueur de la soirée électorale, arrive pour la première fois en tête dans une élection régionale.

C’est ainsi que ce termine l’aventure de la coalition Die Linke-SPD-Verts qui, à la surprise générale, avait géré les affaires de la Thuringe de manière satisfaisante. Mais la satisfaction exprimée dans les sondages ne s’est pas traduite dans les urnes – cette coalition ne peut pas être poursuivie.

Théoriquement, et à condition que le FDP dépasse au final les 5,0%, une coalition Die Linke-SPD-Verts-FDP disposerait d’une courte majorité à la diète à Erfurt, mais hier soir déjà, le FDP a exclu une coopération avec « Die Linke ». Seule une coalition contre nature Die Linke-CDU disposerait d’une majorité, mais cela correspondrait à une coalition entre « La France Insoumise » et « Les Républicains » !

Et l’AfD avec ses 23,6% ? Bien entendu, aucun parti ne veut travailler avec cette extrême-droite dont la tête de liste Björn Höcke que l’on est autorisé à appeler  « fasciste », selon un jugement de la Cour Administrative de Meiningen du 26 septembre 2019. Si les autres partis refusent de coopérer avec cette extrême-droite extrémiste, les deux autres options existantes semblent exclues. Le FDP n’entrera pas dans une coalition avec « Die Linke » qui elle, travaillera aussi peu avec la CDU que la CDU avec elle.

C’est là que peut éventuellement intervenir une particularité de la Constitution de la Thuringe qui prévoit qu’après une élection, le temps qu’un nouveau gouvernement soit élu, le gouvernement sortant reste en fonction de manière provisoire. Mais, étrangement, il n’y a aucune limitation à cette règle, ce qui veut dire que théoriquement, le ministre-président sortant Bodo Ramelow pourrait rester aux commandes jusqu’aux prochaines élections, en dirigeant le Land avec un gouvernement minoritaire. Si une telle constellation est inhabituelle en Allemagne, cette option semble toujours plus réaliste que les autres coalitions théoriquement possibles.

Les difficultés de former un nouveau gouvernement, et le fait qu’aucune coalition du centre politique ne soit possible trouvent leur raison dans l’essor de l’AfD qui se poursuit. Près d’un quart des électeurs et électrices en Thuringe ont voté pour une extrême-droite aux tendances extrémistes, le bras droit de la « Pegida », l’instigateur intellectuel de nombreux actes de violence qui se produisent de plus en plus dans les Länder de l’est, là où l’AfD est particulièrement forte.

La Thuringe, pourtant bien gérée par la coalition sortante, se dirige vers une phase d’instabilité politique – et le même sort attend l’Allemagne entière dans deux ans lors des élections législatives. La montée de l’extrême-droite est inquiétante, surtout lorsque l’on se souvient que l’AfD approche dangereusement des scores qui en 1933, avaient permis au NSDAP de se saisir du pouvoir. Il est temps que l’Allemagne réagisse enfin à cette vague brune qui, de plus en plus, prend l’allure d’un tsunami.

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