Tour de l’Europe avant l’élection européenne

José Manuel Lamarque et France Info poursuivent le tour d'horizon des pays européens à l'aube de l'année 2024. Aujourd'hui, l'Allemagne avec le décryptage du journaliste allemand Kai Littmann.

C'est ici que José Manuel Lamarque produit son "Micro Européen". Foto: Edison McCullen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(José-Manuel Lamarque) – Après l’Espagne la semaine dernière avec Juan José Dorado, suite du tour des pays d’Europe en ce début d’année, aujourd’hui l’Allemagne avec Kai Littmann, le directeur d’eurojournalist.eu.

franceinfo : Inutile de poser la question comment commence l’année 2024 pour l’Allemagne ? Il suffit de regarder l’actualité avec des mouvements sociaux très importants, surtout les agriculteurs ?

Kai Littmann : Je n’ai pas souvenir d’un début d’année aussi marqué par des tensions sociales que cette année 2024. Il y a les agriculteurs avec des protestations, des manifestations géantes dans tout le pays. Mais il y a aussi la grève des conducteurs des trains. C’est un mécontentement généralisé dans la société face à la hausse du prix de l’énergie. Tout le monde est mécontent, aujourd’hui, en Allemagne.

Les agriculteurs, eux, sont mécontents envers le gouvernement de M. Scholz et envers la concurrence européenne ?

KL : Oui, sur l’aspect allemand des choses, la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe avait rejeté le budget 2024 présenté par le gouvernement, obligeant les différents ministres à réaliser des économies de 17 milliards d’euros. Donc chacun a taillé dans son budget. En ce qui concerne l’agriculture, le ministre a choisi d’abolir la subvention du diesel agricole, ce qui s’est transformé aussitôt en mécontentement général. D’autant que les agriculteurs éprouvent, par ailleurs, le sentiment que les grandes centrales d’achat les pressent comme des citrons. Il y a beaucoup d’exploitations agricoles en Allemagne qui sont en péril aujourd’hui.

2024 sera aussi une année électorale, en Allemagne ?

KL : Oui, et l’on risque de connaître un tremblement de terre politique. Il y a trois grandes élections régionales cette année : Brandebourg, Thuringe et Saxe. Pour les trois, l’AfD (l’extrême-droite) fait la course en tête dans les sondages. En Saxe, par exemple, ce sera mathématiquement impossible de former un gouvernement sans la participation de l’AfD. Ce qui veut dire que pour la première fois depuis 1945, l’Allemagne risque de connaître une présidence de Land avec des membres de l’extrême-droite.

Et pour les élections européennes ?

KL : L’AfD est juste derrière la CDU, les conservateurs. En revanche, d’ici le 9 juin, cela peut encore changer, car l’AfD se situe à trois points seulement derrière la CDU. On retrouve ainsi la même configuration que dans plusieurs pays européens, où la faiblesse surprenante des gouvernements en place pousse les gens vers le vote des extrêmes. Dans la mesure où l’extrême-gauche en Allemagne ne joue pas vraiment un rôle important, les gens s’orientent vers l’extrême-droite. À la différence de la France, l’AfD n’est en rien comparable avec le Rassemblement National : les membres de l’AfD sont plus virulents, plus violents et je crois que l’Allemagne court un véritable danger.

Le gouvernement de coalition de M. Scholz n’a pas vraiment rempli son contrat ?

KL : Malheureusement non. Il faut dire que l’amateurisme de ce gouvernement étonne. Présenter un budget qui est rejeté par la Cour Constitutionnelle parce qu’il contient tellement de lacunes et d’erreurs, c’est du jamais vu.

L’AfD est particulièrement forte dans l’ex-RDA, où les gens ont le sentiment de ne pas avoir eu ce qui leur revenait. Helmut Kohl, à l’époque, avait parlé des paysages fleurissants qui ne se sont jamais réalisés et aujourd’hui, un sentiment d’être laissés-pour-compte incite les gens à voter pour l’AfD. Mais l’extrême-droite gagne également du terrain à l’Ouest. Les Allemands ne trouvent plus d’alternative dans le paysage politique sortant. Ils ont tout essayé : avec des coalitions différentes ou avec des partis différents ; les gouvernements successifs ont tous failli.

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