Un gag marketing des plus cyniques et des plus déplacés

Pendant un court instant, l'Europe pensait qu'une compagnie aérienne allait instaurer une sorte de "corridor sûr" pour les réfugiés, comme le pont aérien à Berlin. Il n'en était rien. Foto: Landesbildstelle Berlin / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Voilà qui est bas et vil. Une compagnie aérienne à qui nous ne ferons pas le plaisir de la citer, a été hier au centre d’une grande confusion et il est difficile de croire qu’elle n’ait pas semé cette confusion pour faire parler d’elle. Dans la matinée, une information passait sur les tickers d’information, indiquant que cette compagnie n’allait plus contrôler, à partir du 12 octobre, les visas de ses passagers embarquant à Kos en Grèce, à Bratislava en Slovaquie, à Budapest en Hongrie et au Monténégro, visant à leur proposer un «corridor sûr» pour arriver dans l’Union Européenne, histoire de leur éviter de devoir faire appel aux services de passeurs criminels, en risquant leur vie. Quelques heures plus tard, la compagnie a démenti cette «information», la qualifiant de «fausse».

Pendant que les médias se ruaient sur cette information, le démenti n’allait pas tarder. Étrangement, dans la foulée, une autre information presse émanait de cette compagnie – selon laquelle la compagnie en question prévoit une offensive massive sur le marché allemand, pratiquant des prix «de combat» pour gagner des parts de marché sur des lignes convoitées comme Cologne – Berlin.

On ignore encore comment des agences de presse parfaitement sérieuses aient pu se faire tromper de la sorte, et le tout sent fort le «gag marketing». Trois options sont envisageables – soit, la compagnie elle-même a lancé cette fausse information pour faire parler d’elle, soit un concurrent l’a lancé pour nuire à l’image de la compagnie, ou bien, une organisation cherchant la provocation a lancé cette information. Dans tous les cas de figure, la démarche est honteuse, car elle profite de la misère des réfugiés pour poursuivre un but soit commercial, soit politique.

De dizaines, de centaines de réfugiés meurent pendant leur tentative d’arriver en Europe, victimes de passeurs sans scrupules, victimes d’itinéraires périlleux – personne n’a le droit d’utiliser cette misère pour ses propres objectifs. Il sera très probablement très difficile, peut être impossible de déterminer avec certitude l’origine de cette fausse information qui, pendant une petite heure, miroitait au monde qu’un entrepreneur courageux allait établir quelque chose comme le «pont aérien» qui, au début de la Guerre Froide, avait sauvé la vie à de milliers de citoyens berlinois, en approvisionnant la population berlinoise en aliments et médicaments.

La politique parle de «corridors sûrs» pour les réfugiés, sans pour autant les mettre en œuvre. Faire semblant qu’un tel «corridor» soit établi, c’est donner un faux espoir aux victimes des guerres et des guerres civiles qui ont du quitter leur existence chez eux pour sauver leur vie. Voir ce drame utilisé dans un contexte commercial, c’est révoltant. Reste à espérer que les auteurs de cette «mauvaise plaisanterie» soient identifiés et punis. On ne plaisante pas avec la tragédie des autres.