Angela Merkel à hue et à dia

Le 3 juin dernier, Angela Merkel a répondu, après deux mois d’attente, aux propositions d’Emmanuel Macron sur la réforme de l’Union européenne.

Muttie Foto: Ralf-Roletschek / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0int

(MC) – Dans l’interview à la FAZ où Muttie Merkel se prononce sur les propositions émises par le président français les 22 et 23 mars derniers, la chancelière semble tiède et peu enthousiaste, comme si elle se contraignait. La réalité est sans doute plus complexe : il ne s’agit pas de contrainte, mais de  double contrainte, de double bind

Les contre-propositions de Mme Merkel, en effet, sont un savant compromis entre les positions sceptiques et inquiètes de beaucoup d’Allemands et d’autres Européens du Nord, notamment le Premier ministre néerlandais, et l’enthousiasme quasi hugolien en apparence d’Emmanuel Macron. Tout cela sur le fond, d’une part, des élections italiennes récentes, quelque peu surréalistes, et d’autre part, de la proximité immédiate du conseil européen des 28 et 29 juin prochains : il s’agit pour Mme Merkel de montrer clairement son intérêt et un peu, mais pas trop, son esprit d’initiative à l’égard des structures institutionnelles européennes. Présence et cautèle.

Le résultat des élections italiennes inquiète beaucoup et assurément, pousse à l’action ou… à la réaction. La semaine dernière, la couverture du Spiegel montrait une corde de pendu qui en réalité, n’était autre qu’un superbe spaghetti al dente ! Cette couverture un peu insultante aux yeux de nos amis italiens traduit pourtant clairement la peur de se voir confronté à une grave crise au sein de l’Europe. Cela en tout cas constitue un facteur positif de réactivité merkélienne et incite sans doute la chancelière à produire des réponses affirmatives et concrètes au programme macronien.

A l’opposé, une clé non moins importante : le 23 mai dernier, 154 économistes ont adressé une lettre ouverte au quotidien conservateur FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung). Ils y dénoncent l’intention affichée de Macron d’ aller bille en tête vers l’unification monétaire et bancaire de l’Europe. Ils pensent que ce qui se créerait ainsi, c’est une « union de la dette », c’est-à-dire un partage des dettes de certains étourdis entre les pays membres. Quoi d’autre ? Pas grand-chose. Pour l’essentiel, ils lisent dans les propositions macroniennes une incitation à prendre « des mesures susceptibles d’inciter les pays à adopter de mauvais comportements économiques » et de s’endetter vilainement; fi donc.

Dans l’interview du 3 juin à la FAZ, Angela Merkel reprend la formule des économistes allemands sur «l’union de la dette»  : « (…) la solidarité entre partenaires européens ne peut jamais aboutir à une union des dettes », estime-t-elle, elle aussi. Etrange, non ? Voilà qui est destiné à rassurer certains milieux…

Pour le reste, les décisions de Merkel ne manquent pas en apparence de générosité, ni de bonne volonté. Ni surtout, de prudence. Certes, elle se dit favorable au budget européen d’investissement proposé par Macron ; mais aux plusieurs centaines de milliards d’euros évoqués par le président français, elle préfère y voir tinter quelques dizaines de milliards d’euros seulement. L’idée d’un ministre de l’Economie et des Finances européen a disparu sous la moquette d’un discret coup de balai, hop hop. A la transformation du Mécanisme européen de stabilité actuel, fondé en 2012, elle préfère elle aussi le FME, plus généreux et plus synthétique, que propose Macron ; mais dans sa bouche, il se métamorphose comme un chamallow : elle accepte que ce Fonds puisse agir à long terme et en même temps, disposer d’une ligne de crédit à court terme (peut-être 5 ans), mais à condition que ce FME ait droit d’intervention sur les dettes des pays membres, et donc, le droit donc d’imposer éventuellement des réformes… On est assez loin de la vision macronienne .

Pour ce qui est de la politique migratoire, Merkel se trouve en accord avec Macron : création d’une police européenne des frontières et d’une agence européenne des migrations ; cela va dans le sens de la cohérence répressive et policière.

Dans le domaine de la défense, Merkel approuve l’idée française d’une Force européenned’intervention : c’est le point où les 2 dirigeants se trouvent le plus en accord.

Une dernière concession intéressante d’Angela Merkel au lyrisme macronien : elle approuve la création d’un Conseil européen de sécurité à l’ONU. Une proposition que les conservateurs allemands et beaucoup de SPD ont jusque là refusé.

En somme, Angela Merkel semble mieux disposée que certains le disent à l’égard de la réforme imaginée par Emmanuel Macron. Elle est simplement prise en ciseau entre le sentiment inquiet de la classe conservatrice allemande et la grandezza du jeune et charmant président français (le terme est de la chancelière).

On pourrait souhaiter qu’Angela Merkel se montre moins cauteleuse, au vu de la situation actuelle – et face à Donald Trump. Sa prudence s’explique certainement, outre ce qu’on vient d’expliquer, par les virulentes critiques qu’ont suscité en Allemagne et en Europe les 2 cabrioles folichonnes de ses 4 mandats : la transition énergétique et l’accueil des réfugiés en l’an 2015.

Le conseil européen des 28 et 29 juin prochains promet d’être intéressant.

 

 

 

 

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