Autriche : Le Vert et le Noir

Une coalition unique en Europe

Le compte à rebours pour le libéralisme vert Foto: Benoît Prieur/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Le libéralisme à coloration écologique a-t-il quelque chance de produire une politique efficace et utile ? C’est la question fondamentale qu’il est nécessaire de poser à propos de la coalition mise en place en Autriche. Mariage de la carpe et du lapin ?

Les élections législatives ont eu lieu voici 3 mois,à la fin du mois de septembre dernier. Il s’agissait d’élections anticipées. On se souvient de l’énorme scandale qu’avait causé au printemps 2019 la vidéo tournée à Ibiza dans la résidence de Heinz-Christian Strache, le vice-chancelier issu de la FPÖ (extrême-droite), qui vendait la moitié de l’Autriche à la Russie par le biais de pseudo-agents russes… D’où démission de Strache, puis démission un peu plus tard du Chancelier, Sebastian Kurz, le dirigeant de l’ÖVP, l’autre parti de la droite coalisée.

Grâce surtout à l’ excellente image et la réputation de rigueur de son chef auprès de l’électorat de droite, le parti de la droite conservatrice l’a emporté. Mais avec 37,5 % des suffrages seulement… D’où la nécessité d’une coalition. Mais avec qui ? L’affaire a fait l’objet de très longues tractations, où l’on a soupesé les quelques semblances et les nombreuses différences entre les partis autrichiens. Avec la SPÖ social-démocrate, certes non. Mais Kurz excluait clairement toute alliance avec la FPÖ de Strache : elle sent vraiment trop mauvais. Dans cinq ou dix ans, peut-être ? Sans aucun doute. Mais désormais, il fallait discerner les alliances compatibles…

Dans ce cas, pourquoi pas les Verts ? Au sein du parti écologiste autrichien, les courants divers, et en partie contradictoires, coexistent – comme dans tous les partis écologistes européens. Une tendance conservatrice (il s’agit de conserver les traditions ET les petits lapins) côtoie une tendance à la Waechter-bobo (« pas de politique droite-gauche, de l’écologie ! »). Cela tombe bien. Une majorité des Verts autrichiens s’est ainsi prononcée en faveur d’une (éventuelle) coalition Verts-Noirs. Ce qui s’est concrétisé hier mardi, malgré le fait que le parti écolo ne représente que 14 % des électeurs autrichiens, soit la 4ème puissance politique du pays.

Sebastian Kurz, âgé de 33 ans, devient donc Chancelier pour la seconde fois. L’investiture du nouveau gouvernement s’est concrétisée hier dans la Hofburg de Vienne, selon la tradition et sous l’autorité du Président Alexander von der Bellen – un Président écologiste… Le Président a déclaré qu’il fallait, « maintenant que le cercle s’est refermé » (après le gouvernement intérimaire Bierlein, qui a duré 3 mois), « se mettre au travail avec célérité, calme et esprit éthique », en se préoccupant en particulier de restaurer la confiance des citoyens.

Une coalition Verts-Noirs est chose unique en Europe. Tiendra-t-elle ? Elle suppose que l’écologisme soit soluble dans le libéralisme, ce qui n’est pas certain. En ce sens, elle suppose donc une conception particulière de l’écologisme, qui a pour application concrète des investissements importants dans les énergies durables, notamment. Et cela suppose aussi des accomodements : ainsi, le « Programme » de 300 pages qu’ont réussi à confectionner les deux partis propose une lutte beaucoup plus déterminée que jusqu’à présent contre l’immigration illégale… Un point quelque peu surprenant, puisque la droite était au pouvoir depuis plusieurs années.

Ce qui, en même temps, fait mieux comprendre l’une des grandes motivations de cette coalition : le sens de la communauté nationale. Une motivation pour laquelle les voisins allemands éprouvent une évidente nostalgie : dans un tout récent sondage du Spiegel, on s’aperçoit que 62 % des personne interrogées estiment que « oui, cette coalition Verts-Noirs est un exemple pour l’Allemagne » et que « oui, une telle coalition serait bonne pour l’Allemagne ». Et 28 % des interrogés pensent au contraire qu’elle ne se passerait pas bien ». Un exemple qui sera passionnant à suivre.

Espérons que ce que nous verrons ne se réduira pas à une nouvelle forme inédite et plus performante de green washing

 

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