Chômage – pari perdu pour Emmanuel Macron ?

Alain Howiller analyse l’évolution du marché de l’emploi en France – et se penche sur la question si la France est en train de réaliser des progrès sociaux ou pas.

Déjà les catégories du chômage sont difficiles à comprendre... Foto: Aliesin at French Wikimedia / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Les « gilets jaunes », les « Européennes », les sondages même se sont conjugués pour repousser au second rang ce qui a pendant longtemps été le souci numéro un des Français : le chômage. Le pouvoir d’achat s’est glissé en première place des inquiétudes françaises ; et si les dernières prévisions tablent sur une augmentation du pouvoir d’achat (source Banque de France) d’un peu plus de 2% et sur une augmentation de la consommation de +1,6% en 2019 et 2020, personne ne semble vraiment apprécier cette évolution.

La croissance sur laquelle compte le gouvernement serait légèrement supérieure aux prévisions affichées pour la « zone euro » par la Commission de Bruxelles (+1,2% du PIB) ou, à Francfort, par la Banque Centrale Européenne (pour 2019 existerait un différentiel de plus 0,4% entre les chiffres de la BCE et les prévisions françaises). Cette avancée, même modeste, permettrait de prévoir un taux de chômage de 8,6% en fin d’année et de 8,3% en 2020, contre une réalité de 8,8% au quatrième trimestre de 2018 (8,7% dans le Grand Est).

L’économie française créerait 155.000 emplois cette année contre 243.00 l’année dernière : certaines prévisions patronales prévoient même la création de 350.000 emplois générés par une forme de croissance sur laquelle pèserait un manque d’effectifs disponibles. Si le marché du travail ne dégage pas les effectifs dont l’économie a besoin (dans le Grand Est par exemple, l’industrie aurait besoin de +20% de salariés), le risque est grand que cela pèse sur la réalité du chômage ou que les chefs d’entreprise poussent la productivité ! Ce qui n’est pas forcément une… mauvaise chose sur le moyen, voire le long terme !

Gilets jaunes et Brexit. – Dans sa dernière note de conjoncture, la Direction Régionale (Strasbourg) de la Banque de France a relevé pour le Grand Est : « une évolution favorable de l’activité industrielle avec tendance baissière des effectifs. Carnets de commande convenables. Baisse modérée de la production avec une stabilité de la main d’œuvre. Dans les services marchands, progression de la demande et des prestations avec poursuite de cette tendance dans les semaines à venir. » L’indicateur du climat des affaires est stable à 96, celui des services passe de 110 à 111, alors que sur le plan national l’indicateur passe 100 à 99, le moral des chefs d’entreprise restant mitigé pour reprendre les termes utilisés à l’occasion de la publication d’un sondage OpinionWay pour la Banque Palatine des PME.

Cette dernière enquête soulignait qu’une modeste majorité (56%) des chefs d’entreprise interrogés prévoyaient un niveau stable de leur chiffre d’affaires, 77% d’entre eux estimant qu’ils n’embaucheraient pas avec -pourtant- 71% d’entre eux (productivité oblige !) qui pensent, malgré (ou à cause ?) du coût de la crise des gilets jaunes et des conséquences éventuelles du « Brexit », qu’ils augmenteront leurs investissements !

En tenant compte de ces deux accidents économiques et sociaux, l’enquête réalisée tous les deux ans par le cabinet E.Y. pour – notamment – la Chambre de Commerce Franco-Allemande, souligne : « (en France)… les perspectives d’implantations nouvelles reviennent à leur niveau de 2017. »

L’Allemagne en tête des investisseurs. – Le tout après une année 2018, souligne dans Les Echos le directeur général de Business France ( l’agence gouvernementale chargée de l’internationalisation de l’économie française) où la « France a été le seul pays européen à voir progresser (+ 1% par rapport à 2017) les implantations étrangères sur son territoire… Depuis deux ans, les Allemands sont les premiers investisseurs industriels en France en termes de créations d’emplois, notamment dans les Hauts de France et dans le Grand Est… »(1) L’Allemagne a donc dépassé les Etats-Unis d’Amérique et la Grande Bretagne, respectivement 2ème et 3ème investisseur dans l’Hexagone.

C’est dire l’importance pour la France de la situation économique de l’Allemagne où le marché du travail tient toujours autour de 5% de taux de chômage, bien que le nombre d’heures supplémentaires ait sensiblement baissé dans l’industrie. Les prévisions ne sont pas très optimistes : Peter Altmaier, le Ministre de l’économie, table sur un taux de croissance de + 0,5%, rejoint par les prévisions des conjoncturistes de la plupart des instituts d’analyse économique. Le « DIHK », organisme « fédérant Industrie et Artisanat », s’attend à un taux de + 0,6% sur l’année ; et IFO-Munich (Institut für Wirtschaftsforschung), après avoir signalé un + 0,4% au premier trimestre, relève qu’à 97,9% l’indice du climat des affaires a chuté de -1,3% en Mai. Il s’agit du deuxième repli mensuel consécutif. C’est dire qu’on suivra avec une particulière attention, dans les prochains mois, l’évolution du marché du travail.

A la fin d’un quinquennat ! – Comment pourrait-il en être autrement en France où, pour être réelle, la décrue du chômage peine à gagner la lutte du retour à l’emploi. Pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était fixé comme objectif de ramener le taux de chômage à 7% à la fin de son quinquennat. Certes, le taux actuel est tombé à son niveau le plus bas depuis 2009. Mais le rythme lent du reflux ne permet pas de spéculer sur la concrétisation de l’objectif fixé. Rien, en l’état, ne permet de dire que le Président gagnera son pari. Du moins pour ce qui concerne ce point !

(1) Voir eurojournalist.eu des 15.04 et 02.05.2019.

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