Christchurch – un silence étourdissant

L'extrême-droite allemande a du mal a trouver les mots justes ou des mots tout court suite à la tuerie de Christchurch. Pourtant, idéologiquement, les identitaires européens portent une lourde responsabilité.

Les drapeaux à Christchurch sont en berne. La "compassion" de l'extrême-droite en dit long... Foto: Foreign and Commonwealth Office / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Depuis environ 20 ans, le discours identitaire a été dédiabolisé par l’extrême-droite européenne. Que ce soit le Front National, l’AfD avec la « Pegida », Fidesz, l’Aube Dorée, le Vlaamse Belang, le PVV néerlandais, la Lega en Italie – la liste de ces mouvements d’une extrême-droite identitaire est longue. Et leur discours aura été l’engrais qui a permis la radicalisation de cette extrême-droite qui, un peu partout en Europe, se présente de manière de plus en plus violente dans les rues. Le crime odieux commis par le terroriste identitaire Brenton Tarrant a été influencé par les identitaires extrémistes européens, comme le terroriste l’a écrit dans son « manifeste » de 74 pages dans lequel il tente d’expliquer l’inexplicable.

Les ténors de l’AfD, le parti d’extrême-droite allemande, réagissent généralement au quart du tour lorsque des attaques terroristes sont commises par des terroristes islamistes. Lors d’attentats islamistes, ils publient leur indignation en l’espace de quelques minutes, soulignant qu’ils ont toujours mis en garde contre les « dangers de l’islamisation ». Après Christchurch, où un terroriste identitaire a froidement abattu 50 fidèles musulmans, c’était d’abord le « silence des agneaux ». Même l’empathie humaine semble poser un problème majeur aux ténors de ce parti qui eux, aimeraient donner ordre aux gardes-frontières allemands de tirer sur des réfugiés qui tentent de traverser la frontière allemande.

Mais pire que le silence : les commentaires dans les réseaux sociaux de l’extrême-droite. Pendant que les chefs de l’AfD se taisaient, la deuxième ligne de ce parti se lâchait. Harald Laatsch, qui siège pour l’AfD à la diète régionale à Berlin, commentait via Twitter que le terroriste avait justifié son acte par « la surpopulation et la protection du climat », insinuant que des activistes pour la protection du climat comme Greta Thunberg portaient une responsabilité dans cet attentat. Pour l’ancien chef de l’AfD en Saxe-Anhalt, Andre Poggenburg, l’attentat ne pesait pas lourd face à ce qui se passe dans nos pays : « Une chose est claire : les musulmans qui attaquent des femmes allemandes nous attaquent tous et ce, depuis des années. » Cela ressemble très fort à l’apologie du terrorisme d’extrême-droite.

Face aux multiples dérapages dans les réseaux de l’extrême-droite, le chef de l’AfD Jörg Meuthen a publié, quatre heures après l’attaque terroriste, un court post exprimant ses condoléances aux familles des victimes. Sa collègue Alice Weidel a dû réfléchir pendant 24 heures avant de publier également un court texte. D’autres responsables de l’AfD, comme la fauconne Beatrix von Storch, n’ont rien commenté du tout. Pourtant, en cas d’attentat islamiste, Beatrix von Storch réagit normalement en l’espace de quelques minutes. Là, silence radio. Comme pour les Björn Höcke et d’autres représentants de la tendance ultra-ultra-droite de l’AfD.

Dans son brûlot, le terroriste néo-zélandais fait référence aux partis d’extrême-droite en Europe, il a voyagé en Europe et visité des extrémistes identitaires sur place, comme en Lorraine et en Allemagne, et a été « inspiré » par les idéologies néo-nationalistes et identitaires européennes. Les parallèles avec la tuerie du Norvégien Anders Breivik en 2011 sur l’ïle d’Utoya sont frappants. Comme le terroriste néo-zélandais, Breivik avait rédigé un « manifeste » qui, sur les points principaux, rejoignait celui du terroriste Brenton Tarrant, un délire tournant autour de la « suprématie blanche ». Force est de constater que des malades mentaux reprennent les idéologies détestables des identitaires, néo-nationalistes et néo-nazis européens et qu’ils les utilisent comme « justification » pour leurs crimes odieux.

Même si ce terrible attentat a eu lieu à l’autre bout du monde, nous sommes tous concernés. Car l’idéologie au nom de laquelle ces terroristes agissent est « made in Europe ». Les attaques de Christchurch comme à Utoya, sont le résultat du discours de haine décomplexé des mouvements et partis identitaires européens. Il conviendra de s’en souvenir lors des prochaines échéances électorales. Il faut arrêter de vouloir donner des « avertissements » aux gouvernements en place en votant pour des partis d’extrême-droite qui eux, créent le fond idéologique sur lequel des Breivik, Tarrant, NSU et autres commettent leurs crimes odieux. Et qui portent, logiquement, une part de responsabilité dans ces attentats identitaires. Il faut maintenant stopper les discours de haine qui sont l’unique fonds de commerce de ces partis d’extrême-droite. Maintenant.

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