Cinéma : «Adopte un veuf»…
Nicolas Colle a rencontré le réalisateur François Desagnat et la comédienne Bérengère Krief pour parler de cette comédie avec André Dussolier.
(Par Nicolas Colle) – uréolé du Prix Spécial du Jury au dernier Festival de l’Alpe d’Huez, «Adopte un veuf» nous invite à partager les joies et les peines de la collocation à laquelle s’initie notre infatigable André Dussolier. Son personnage, Hubert, «jeune» veuf déprimé, va peu à peu retrouver le goût de la vie en se confrontant à la nouvelle génération du cinéma français incarnée ici, dans toute son énergie et sa bonne humeur. Nous avons rencontré le réalisateur François Desagnat, ainsi que la comédienne Bérengère Krief qui trouve là son premier «Premier Rôle» de cinéma.
François, vous êtes parvenu à réaliser une comédie qui nous fait naviguer à travers plusieurs états émotionnels : de la joie à la mélancolie… Comment fait-on pour ne pas égarer ou déstabiliser le spectateur ?
François Desagnat : J’avais envie que la tonalité générale du film se rapproche des comédies américaines indépendantes comme celles d’Alexander Payne qui parvient à rendre son œuvre à la fois émouvante et drôle même en traitant d’un sujet grave. C’est quelque chose que j’aime et qui me correspond bien car je suis quelqu’un d’assez pudique et ce décalage me permet de mieux parler de sujets sérieux. Il a donc fallu trouver un équilibre afin d’accompagner les sentiments sans trop les surligner. Quand il y avait de l’émotion, je voulais amener de la légèreté et, à l’inverse, quand nous étions dans de la comédie pure, je souhaitais apporter un peu de mélancolie. La musique devait également rejoindre cette idée. Par exemple, quand le film s’ouvre sur le personnage d’Hubert (André Dussolier), dans son appartement, seul et en train de broyer du noir suite à la mort de sa femme, on pensait d’abord surenchérir le drame en mettant le «Requiem» de Mozart. Finalement, on a opté pour «Y a de la joie !» de Charles Trenet. Ça donne tout de suite une autre ambiance (rires).
C’est audacieux, en effet. Là où le film est vraiment touchant c’est dans la relation qui unit peu à peu le personnage joué par André Dussolier et celui que vous interprétez, Bérengère. Comment peut on expliquer ce rapprochement inattendu ?
Bérengère Krief : L’évidence, c’est qu’elle n’a pas eu de père et que lui n’a pas eu d’enfant. Donc leur manque affectif est comblé presque malgré eux. Et puis, au début du film, on découvre le personnage d’Hubert dans la solitude et le chagrin suite à la perte de son épouse mais on comprend très vite quel homme il était avant d’être veuf. On s’aperçoit alors que mon personnage et le sien ne sont pas si différents l’un de l’autre. Ils sont tous les deux très rieurs et porteurs d’un petit grain de folie. J’aime la manière dont François a traité cette relation. Elle est à la fois pudique et franche. Ils se disent toujours les choses même quand elles font mal mais ils ont une telle connexion qu’il n’y a pas de risque de les voir s’éloigner l’un de l’autre. C’est ce qu’on retrouve souvent dans les relations familiales. Mais sous cette bonne humeur apparente et permanente, mon personnage est en vérité une écorchée vive qui a décidé de jouer la carte de l’optimisme plutôt que de se lamenter sur le fait que la vie ne l’a pas toujours épargnée. Elle est au- delà de l’idéalisme. Elle rêve sa vie et se ment à elle même. Jusqu’à ce que Hubert parvienne à lui redonner l’instinct d’aller ce qui lui fait du bien.
Il y a également ces deux personnages, incarnés avec humour et sensibilité par Julia Piaton et Arnaud Ducret, qui viennent se greffer sur cette joyeuse collocation. Une grande réunion de famille ?
FD : Justement, j’ai construit le film comme la vie d’une famille «en accéléré». Donc quand Manuela (Bérengère Krief) arrive dans la vie d’Hubert, cela s’apparente pour lui, à la naissance de son premier enfant avec lequel il commence à nouer une relation forte. Puis cet enfant a envie d’avoir des frères et sœurs et quand ces derniers débarquent, l’ainée réalise que ce n’est pas exactement ceux qu’elle espérait avoir. Mais au fur et à mesure, une relation fraternelle faite de complicité et d’amour s’installe néanmoins. Puis chacun grandit et murit au contact des autres avant de prendre son envol.
Puisque nous parlions du fait de traiter d’un sujet grave avec émotion et légèreté, je me permets d’ajouter que votre film comporte également une problématique sociale : la difficulté que peuvent rencontrer les plus jeunes à trouver un logement décent. Un constat en somme ?
FD : Le but n’était pas tant de traiter des sujets sociaux mais plutôt d’ancrer les personnages dans une certaine modernité. Pour cela, chacun d’entre eux devait être porteur d’une problématique liée à notre époque. Mais c’était davantage pour apporter de la justesse et de la crédibilité au récit et aux personnages plutôt que pour dénoncer quelque chose. Même si ça nous permettait tout de même de poser la question de comment nous occuper de nos seniors et de montrer que même si l’on a pu s’enfermer dans la tristesse et la solitude suite à la perte d’un être cher, si l’on ouvre sa porte à l’inconnu, il peut se passer quelque chose de positif qui nous ramène vers la vie.
Une jolie rencontre entre deux générations de vie et de cinéma… Rien de révolutionnaire mais le charme opère… A ne pas manquer…
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