Contre l’obligation de cotiser aux Chambres de Commerce?

La Cour Constitutionnelle de Karlsruhe s substitue une nouvelle fois à la politique qui n’arrive pas à prendre une décision.

La Cour Constitutionnelle à Karlsruhe se transforme de plus en plus en un "gouvernement bis". Foto: Guido Radig / de.wikipedia

(Par Alain Howiller) – La Cour Constitutionnelle de Karlsruhe est devenue un véritable organe régulateur pour la société allemande. Au point que certains lui ont reproché d’être, de fait, un véritable «gouvernement bis» de la République Fédérale. Le champ d’intervention de la Cour est large, voire illimité. Quelques exemples illustrent le propos : rappelons ses arrêts favorables à l’égalité fiscale des couples homo- et hétéros-sexuels, validant les Traités Européens (dont le traité de Lisbonne, acte fondateur de l’Union Européenne), posant l’affirmation selon laquelle l’Allemagne de l’Ouest n’a pas à reprendre les dettes de l’Est suite à la réunification, soulignant la validation de l’impôt de solidarité perçu au profit des Länder de l’ancienne «DDR».

Comment pourrait-on oublier, en cette période pré-électorale européenne, cet arrêt rappelant que la légitimité du Parlement Européen est inférieure à celle du Parlement allemand, parce que l’Union Européenne n’est pas (encore) un état et que le peuple européen, au contraire du peuple allemand, n’existe pas encore : les actes de l’institution européenne doivent, dès lors, être validés par le «national» !

Vers une interdiction du «NPD» ? – Récemment, la Cour a été saisie par le parti d’extrême-droite NPD qui estime que, dans ses discours, le Président de la République ne respecte pas la neutralité de sa fonction. Elle se penche actuellement sur un recours des membres du Bundesrat demandant l’interdiction du… NPD. Elle va aussi se pencher sur la manière dont s’exerce (perception et versement des contributions financières) la solidarité entre Länder riches et Länder pauvres. Enfin, autre exemple récent, à la demande du parti d’extrême-gauche Die Linke, la Cour va étudier la manière dont se pratiquent les exportations d’armes. Die Linke avait déjà posé la question au gouvernement devant le Bundestag, il y a près de trois ans : n’ayant pas eu de réponse, le parti a choisi de saisir Karlsruhe !

On se doute que les Ministres du Gouvernement, voire le Parlement, ont souvent grincé des dents devant certains arrêts. Dans le cadre des négociations pour la Grande Coalition, les négociateurs CDU-CSU-SPD avaient même envisagé de faciliter le recours au référendum populaire qui aurait pu trancher certaines questions sans -ou malgré- la Cour. Mais cette dernière est à ce point ancrée dans le paysage juridique et politique allemand que l’idée en a rapidement été abandonnée ! En France, une évolution parallèle à celle connue par l’Allemagne s’esquisse depuis la mise en place des «Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC)».

La France suivra-t-elle ? – En Novembre 2012, le Conseil Constitutionnel, saisi dans le cadre d’une «QPC», avait été amené à prendre position sur l’obligation faite aux artisans d’adhérer, au titre du droit local d’Alsace-Moselle, à des corporations dites «obligatoires». C’est une démarche du même ordre que deux industriels allemands ont engagé devant la «Cour Constitutionnelle», à propos de l’obligation d’affiliation à une Chambre de Commerce et d’Industrie. Les deux entrepreneurs appartiennent au mouvement «Kammern ohne Zwang – KOZ» (Chambres sans contrainte) : propriétaires de plusieurs établissements, ils estiment illégitime de devoir adhérer et verser une cotisation pour chacune de leur entreprises : ils ont donc engagé la procédure devant la cour qui a décidé d’activer la plainte.

Afin d’éclairer l’approche de ses juges, l’institution judiciaire a adressé un questionnaire à une trentaine d’organismes (y compris aux deux chambres parlementaires, aux services d’Angela Merkel, aux ministres concernés, aux organes dirigeants des Länder), en leur donnant jusqu’à ce 15 Mai pour répondre et éventuellement donner leur avis sur le versement -justifié ou non- des cotisations.

L’enjeu : plus de un milliard d’euros ! – Il faut rappeler ici que les cotisations représentent pour les Chambres de Commerce, des rentrées de plus de 1 milliard d’Euros par an : c’est dire l’importance de l’enjeu représenté par la plainte déposée à Karlsruhe. En 1962, la Cour, suivie par plusieurs juridictions (notamment Bade-Wurtemberg et Rhénanie du Nord – Westphalie), avait légitimé le versement des cotisations.

Le débat n’a en fait que l’apparence d’un débat purement juridique : il approche un véritable problème économique qui, dans certains cas de filiales multiples, entraîne des coûts non négligeables au point de peser sur la compétitivité des entreprises concernées. Il risque d’ailleurs de poser également des problèmes financiers aux Chambres de Commerce, voire mettre en cause leur activité au service de la promotion de l’action économique.

En 2001, la Cour avait estimé que l’adhésion obligatoire à une Chambre de Commerce et d’Industrie et, par conséquent, le versement des cotisations n’était pas contraire à la Loi Fondamentale (Constitution allemande). Mais depuis, nombre d’entreprises rechignent à payer des cotisations, multiples et élevées pour des contre-parties qu’ils estiment (hors les formations dispensées qui ne sont pas mises en cause) insuffisantes, réalisées de surcroît, par des organismes jugés mal gérés et dépensiers !

Le mouvement «KOZ» a réussi à avoir des élus dans les instances de plusieurs chambres de commerce et d’industrie (dernièrement à Kassel en Hesse). Le jugement de la Cour ne sera pas rendu avant plusieurs mois.

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