D’ambitieuses propositions pour réformer les institutions…

… mais ces propositions, finiront-t-elles dans les tiroirs ?

Est-ce que le futur locataire de l'Elysée n'aura droit qu'à un seul bail de 7 ans non renouvelable ? Foto: TouN / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Le «Groupe de Travail sur l’avenir des institutions», crée par Claude Bartolone, Président de l’Assemblée Nationale (et candidat PS à la présidence de la région Île de France aux élections de Décembre), pour réfléchir sur l’avenir des institutions et faire des propositions pour lutter contre l’abstentionnisme électoral, vient de déposer un rapport intitulé (immodestement !) «Refaire la Démocratie». Le groupe composé de 11 parlementaires et de 12 personnalités qualifiées était co-présidé par le Président de ‘Assemblée et l’Historien Michel Winock, spécialiste de l’histoire de la République (auteur notamment d’une biographie de François Mitterrand).

Après 7 mois de travaux, il a présenté 17 propositions pour «restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants». Commentant son rapport, qui comporte quelques propositions si révolutionnaires qu’elles atterriront vraisemblablement au fond d’un tiroir bien… profond, Michel Winock n’a pas manqué de relever : «La classe politique actuelle est une sorte d’oligarchie qui se reproduit, qu’on soit de gauche ou de droite, dans le même milieu professionnel… Il y a une coupure entre cette classe politique et la population… Les classes populaires qui sont la majorité de la population, ne sont pas représentées». Et, d’après le co-président-historien, c’est ce qui explique que les élus viennent des partis politiques, «recrutés par des professionnels pour des professionnels». Ce sont, dès lors, des «gens qui veulent faire une carrière politique avec ce souci personnel beaucoup plus que le souci de l’intérêt général !»

En Allemagne aussi. – Des constats qui ne sont pas loin de ceux dressés par le groupe de travail qui s’est réuni, avant l’été, dans le cadre du Bundestag et qui a lui aussi, présenté des suggestions moins révolutionnaires mais plus pragmatiques (vote électronique élargi, multiplication des bureaux de vote même en dehors des sites officiels, vote par correspondance, réforme électorale avec vote obligatoire et abandon d’un système trop compliqué – voir eurojournalist.eu du 12 Août). Si le parti des «Républicains» a contesté les conclusions du groupe, «dans une France qui n’a pas besoin de réforme constitutionnelle, mais de courage politique et de réforme de structure», le groupe de travail a présenté des réformes qui pourraient aller loin.

Constatant que le Président de la République est devenu, de fait, le chef du gouvernement à cause de l’instauration du quinquennat, le groupe propose de recréer le septennat unique : le président ne pourra être élu que pour sept ans non reconductibles ! Elu pour un septennat, le président ne sera plus obnubilé par les perspectives de sa réélection ! L’Assemblée Nationale devrait avoir le pouvoir de valider la désignation par le Président de la République : il redeviendrait le chef de la majorité qui conduit la politique du gouvernement comme le stipule la Constitution. En l’état actuel des choses où le Président est tout puissant, Claude Bartolone avait même envisagé, à défaut des modifications préconisées par le groupe, de… supprimer le poste de Premier Ministre ! Les deux assemblées (la «Nationale» et le «Sénat») seraient modifiées : on introduirait à l’Assemblée une dose d’élection proportionnelle pour élargir la représentativité des citoyens dont une part n’est pas, en l’état actuel du système électoral, représentée, le nombre de Députés serait ramené de 577 à 400, le nombre des Sénateurs serait ramené de 348 à 200. Les fonctions du Sénat seraient revues : la deuxième Chambre -qui pourrait fusionner avec le «Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE)»- pourrait être orientée vers une sorte de chambre chargée des questions des collectivités territoriales : ses membres seraient élus dans le cadre des nouvelles régions.

Le retour de Charles de Gaulle ? – Voilà une idée qui n’est pas sans rappeler, pour ce qui est notamment du Sénat -et du CESE-, les thèses défendues par le Général de Gaulle lors du référendum perdu du 27 Avril 1969 : le «non» l’ayant emporté lors de cette consultation, le Général de Gaulle démissionna immédiatement !

Autres préconisations : la limitation à trois du nombre de mandats successifs exercés dans la même fonction. Cette disposition serait complétée par la définition d’un véritable «statut de l’élu» qui faciliterait sa reconversion professionnelle en fin de mandat. Le recours au référendum d’initiative populaire serait facilité. D’autres dispositions plus techniques entendent «cadrer» le travail du gouvernement (délais à respecter dans la mise en place des décrets permettant l’application des lois, droit d’amendement restreint pour le gouvernement aux lois qu’il propose lui-même), les citoyens étant invités à consulter les propositions du groupe de travail voire à suggérer -par mail- des améliorations (site : www.assemblee-national.fr/consultation_ gt _ instit/ – jusqu’au 31 octobre).

De Byzance à la «spätgotische Dekadenz !» – Que vont devenir ces propositions ? Compte tenu des échéances électorales, il serait surprenant qu’elles se concrétisent d’ici à 2017, année de l’élection présidentielle suivie d’élections législatives. Pourtant, le recours à une part d’élections proportionnelles figurait dans le programme du candidat François Hollande à l’élection présidentielle. Quelle est la part de calcul politique ou de recherche d’image dans la présentation des 17 propositions pour «Refaire la Démocratie» ? La réforme des institutions sera-t-elle placée au cœur des débats de la proche campagne électorale pour les élections présidentielles ?

Si oui, échappera-t-elle à la dérive «institutionnelle» déjà amorcée avec les propositions «Batolone / Winock» : les citoyens ne demandent pas tant des réformes institutionnelles que l’installation chez les politiques d’approches, de réflexion, d’intelligence, de respect, d’engagement et d’écoute qui leur rende crédibilité et légitimité.

Cela ne se décrète pas hélas! et pendant que, comme à Byzance, on continue de discuter du «sexe des anges», la menace est grande de redonner une forme d’actualité à ce propos de Guido Westerwelle évoquant une «spätgotische Dekadenz». Pendant ce temps, l’absentéisme électoral progresse, le désintérêt vis à vis de la politique se creuse, les polémistes usurpent la place des politiques et les extrémismes s’installent !

P.S. : Au moment où je terminais cet article, nous apprenions que le parquet
de Bobigny avait ouvert une enquête préliminaire sur la création éventuelle
par Claude Bartolone d’un poste fictif au Conseil Général de la Seine Saint Denis
que l’élu présidait. En dépit de la présomption d’innocence voilà une enquête
qui tombe mal pour l’élu !

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