De la défaite des Verts en Thuringe

Il fallait, nous aurions dû…

Annalena Baerbock Foto: Bdnis90/Die Grünen NRW/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Les résultats des Grünen dimanche dernier lors des élections au Land de Thuringe exposent une situation à la française : l’expression de tâches à accomplir a tenu lieu de mission accomplie… Mais « il faudrait que nous… », ou bien « nous devons » ne règlent pas les graves problèmes qui empêcheront encore pendant quelques années les Verts allemands à devenir, comme ils l’espéraient un peu trop tôt, le « parti dirigeant du centre gauche allemand » et même, un « Volkspartei », un parti populaire, de masse. Hardi, les gars…

Les Grünen ont pu de justesse garder leur place au Parlement régional en franchissant tout juste la barre tremblante des 5 %… Pourquoi ? Les Verts allemands étaient pourtant très conscients de l’importance du scrutin régional – en Thuringe, mais aussi en Saxe et dans le Brandebourg. Depuis janvier dernier au moins, ils ont essayé de travailler dans le bon sens, et les chefs fédéraux, Annalena Baerbock et Robert Habeck, y ont longtemps insisté.

Pour ce qui est de la Thuringe, c’est un Land aux dimensions réduites, et largement rural ; la temporalité n’y est nullement celle de Berlin ou des grandes métropoles de l’Ouest. A titre de comparaison, on n’a pas assez parlé des élections municipales de Hanovre, qui ont eu lieu elles aussi dimanche dernier : lors de ces élections, le candidat vert, Belit Onay, Allemand d’origine turque, a fait le score superbe de 32, 2 %. Ce qui donnera lieu à un second tour le 10 novembre face au candidat CDU. Cela donne la mesure du problème : nous sommes en présence de deux mondes différents et qui le resteront encore longtemps, malgré l’optimisme naïf des Wessies dans les années 1990. Et entre Erfurt et Hanovre, il y a moins de 200 kilomètres à vol d’oiseau…

Les Grünen ont fait des efforts. Ils ont repris plus clairement leur appellation officielle : Bündnis 90/Die Grünen, le mot Bündnis rappelant les écolos-oppositionnels de la RDA croupissante qui ont fusionné avec (et non rejoint…) les Wessies verts. Et ils ont tenu nombre d’assemblées et de réunions dans les Länder de l’Est. Et ils ont essayé de labourer le terrain, à partir de l’aveu que l’Est ne les a pas beaucoup intéressés jusqu’à présent. Et… Et… Mais l’échec est patent. Jusqu’à présent.

Dans les 3 Länder mentionnés, les Verts en effet n’ont remporté respectivement que 5,2 %, 8,6 % et tout de même, dans le Brandebourg, 10,8 %. En Thuringe, ils ont perdu 0,5% des suffrages par rapport aux élections précédentes. Et ils faisaient partie de la coalition régnante SPD-Linke-Grünen…

« Nous ne voulons pas que 3 décennies après la chute du Mur, l’Allemagne se déchire en deux mondes différents ! », a déclaré le co-dirigeant des Verts (avec Annalena Baerbock), Robert Habeck. Et certes, il y a un gap entre Est et Ouest : aux dernières Européennes, leur excellent résultat (plus de 20%) est dû aux suffrages des électeurs de l’Ouest…

Mais quelles sont les raisons de cet échec en Thuringe ? En partie faute de temps, les Verts n’ont pas (pas encore ?) réussi à apparaître comme autre chose qu’un parti de bobos urbains un peu déjantés – ce que pourtant, ils ne sont plus guère. Ils ne sont pas présents en nombre dans ce petit Land ; les structures sont très insuffisantes, sauf sans doute à Erfurt même.

Mais aussi, et peut-être surtout : les thèmes de la campagne n’ont pas été suffisamment profilés, et ne l’ont pas été avec suffisamment de vigueur. Malheureux sujet des éoliennes ! Il divise les écolos eux-mêmes… Celui des taxes CO2 et des interdictions aux véhicules diesel n’est pas vraiment porteur dans cette région très rurale, c’est le moins qu’on puisse dire. Et enfin, celui de la « démocratie », par lequel les Verts voulaient se démarquer absolument de toutes les démagogies, n’est pas propre aux Grünen – heureusement, d’ailleurs !

En somme, Bündnis 90/Die Grünen sont victimes de leur honnêteté idéologique ; on pourrait presque dire : de leur pureté. Et du manque évident d’un investissement financier consistant, face à des partis riches et assis sur leurs acquis… Peut-être plus pour très longtemps. Comme les Verts allemands le savent très bien, un travail de terrain s’impose absolument. Il faut aller au turbin, cette fois bien au-delà de tout wishful thinking et de toute incantation creuse.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste