Du mode de financement des partis d’extrême-droite

Démagogie et gloutonnerie

Pas de chance pour le très patriotique Heinz-Christian Strache qui, comme tant d'autres à l'extrême-droite, vend son pays à un dictateur... Foto : ScS EJ /CC-BY-SA/ScS EJ

(Marc Chaudeur) – Le «dégagisme» et le populisme entendu comme la critique virulente des « élites corrompues », le retour à la dignité des peuples par delà la domination d’élites politico-financières : ce n’est là généralement qu’une posture démagogique, qui se situe bien loin de la réalité des partis d’extrême-droite, et qui lui est manifestement contradictoire. Les récents événements autrichiens, très graves, n’ont cependant rien de surprenant à cet égard, hélas.

A notre sens, il faut d’ailleurs considérer le problème dans une perspective plus large que celle qui considérerait seulement le financement et l’influence de la Russie poutinienne sur les gouvernements et les partis de la droite autoritaire. Ceux qui remporteront sans doute un grand succès électoral aux prochaines élections européennes.

Le très synthétique et très explicite Rapport du Corporate Europe Observatory, publié quelques jours avant la révélation de la forfaiture de Strache (FPÖ), l’ex-vice-chancelier autrichien, expose et analyse ainsi les sources de financement des grands partis d’extrême-droite.(https://corporateeurope.org/). Ces partis sont divers, mais tous hypocrites, et caricaturaux. Leurs pratiques sont totalement contradictoires avec leurs rodomontades anti-élites et leurs appels déclamatoires à la vertu. Ils ressemblent, ces partis, à des prostituées de Babylone plutôt qu’à de plébéiennes vierges effarouchées. Les propos de Heinz-Christian Strache enregistrés à Ibiza n’en sont qu’une illustration singulière et obscène.

Les résultats de l’extrême-droite aux prochaines élections européennes s’annoncent sinon triomphaux, du moins très importants, de 15 % en Allemagne pour l’AfD à au moins 35 % pour la Lega en Italie, en passant par le très poutinien RN en France (20 % au moins selon les sondages). Tous ces partis ne cessent de flirter avec l’illégalité et l’opacité, et aiment beaucoup cajoler milliardaires et grandes entreprises pour actionner la pompe à fric dans les deux sens. Leur discours social et soi-disant défenseur des petites gens est parfaitement mensonger et contradictoire avec leurs objectifs et leurs pratiques. On ne peut s’empêcher de penser à cet égard aux partis nazi et fascistes européens des années 1930.

Prenons ici l’un des exemples qu’évoque et que détaille ce Rapport. Tiens, au hasard, si on prenait celui de la France ?

En 2014, le FN (rebaptisé RN il y a peu) a « emprunté » 9,4 millions d’euros à la Russie (banque FCRB). Marine Le Pen a prétendu que c’était parce que les banques françaises refusaient un tel prêt – mais une enquête de Mediapart a bien montré comment le parti a consciemment tissé un réseau opaque pour gagner beaucoup d’argent (et dissimuler ses sources de financement), avec d’assez nombreux intermédiaires. C’est tout un système qui a ainsi été construit.

Quelques-uns des principaux tisserands de cette tunique de Nessus : Jean-Luc Schaffhauser (RN), naguère consultant entre autres chez Dassault, Auchan et Total ; et, tout proches, deux hommes d’affaires russes : l’adroit Alexander Babakov, un oligarque, et Constantin Malofeiev, un buisnessman fructueux (dont on peut admirer la barbe blonde dans d’assez nombreux docus, sur ARTE notamment). Curieusement, la FCRB, puis successivement deux autres banques russes sollicitées par Schaffhauser et alii, ont fait faillite, par un énigmatique effet de domino. Le FN ne leur portait pas chance… Ici, Malofeiev a été d’une grande aide au FN, puisqu’il lui a « trouvé » 2 millions d’euros pour lui permettre assurer ses arrières.

On sait que le député FN en question plus haut a touché 140 000 euros de commission que, très distrait, il a oublié de mentionner dans sa déclaration d’impôts. Ah zut ! Autre araignée poutinienne : Aymeric Chauprade, qui depuis, a quitté le parti. En tout cas, le groupe européen auquel appartient Schaffhauser, l’ENL (Europe des Nations et des Libertés) est celui qui compte dans ses rangs le plus grand nombre de députés qui tirent des revenus extérieurs à leur activité au sein du PE.

Marine Le Pen, sa sœur Yann et divers membres de sa famille ont ensuite été condamnés en justice essentiellement pour fraude, tout comme l’ UKIP, le parti brexiteux britannique de Nigel Farage, de même obédience et brexiteux.

Le cas du RN n’est qu’un exemple parmi d’autres, parmi tout ces partis de la droite extrême populiste. Une conversation comme celle qu’on a filmée, entre l’ex vice-chancelier Strache et une pseudo-émissaire russe, eût pu être filmée en France, en Hongrie, en Italie, en Slovaquie, etc. Partout où ces partis occupent le devant de la scène et parfois, le pouvoir. Le RN n’occupe pas encore le pouvoir en France. Il n’a pas encore édicté comme par exemple en Hongrie ou en Autriche, et partiellement, en Pologne, de lois anti-liberté d’expression, ni de lois anti-sociales pour prolonger le temps de travail et étaler le paiement des heures supps ; ses pratiques de corruption et d’ abus de biens sociaux, de diminution des impôts pour les plus riches n’ont pas encore été étalées suffisamment sous le nez des citoyens.

Que faire ? Allons donc voter, et bien voter, le 26 Mai !

 

 

 

 

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